De la colère à l’espoir

Un congrès professionnel coïncide parfois avec un évènement qui marquera les esprits.

Le Conseil national des acteurs de la prévention spécialisée tenait, ses journées nationales à Nantes, ces 8 et 9 novembre. Les 850 congressistes furent accueillis par Philipe GROVALET, président du Conseil départemental de Loire Atlantique, qui n’eut pas assez de mots bienveillants pour signifier l’importance à ses yeux du rôle des éducateurs de rue. Ils furent valorisés par une vidéo proposant des regards croisés laudateurs d’acteurs de leur secteur sur leur action. Ils furent modérés par Jean-François Dortier, directeur de la revue de Sciences humaines, leur démontrant la vivacité d’un modèle social français qu’on présente à tort comme moribond. Mais, rien n’y fit. En plein après-midi, une quinzaine de professionnels firent le tour des salles pour exprimer leur colère face au sort réservé par certains conseils départementaux à la prévention spécialisé : 17 d’entre eux l’ont supprimé, bien d’autres ayant réduit drastiquement ses moyens. Un groupe de trublions avait déjà tenté de s’exprimer aux Assises de la protection de l’enfance en 2017 à Paris et à celles tenues à Nantes en 2018. Mais, ils n’avaient eu droit qu’au face à face avec des CRS. Cette fois-ci, il s’était infiltré parmi les congressistes. Près de trois cents professionnels sortirent du Palais des congrès pour se rendre en cortège à une assemblée générale où ils débattirent de la mise à mort de la prévention spécialisée et des moyens de résister à ce mauvais sort. Les journées continuèrent, riche lieu d’échange et de débat sur cette déambulation qui constitue le quotidien du travail de rue ; sur l’usage grandissant des réseaux sociaux comme vecteur de communication avec le public accompagné ; ou encore sur ces interventions sociales collectives servant de support au développement du pouvoir d’agir. En fin d’après-midi, ce fut au tour d’Olivier Noblecourt, délégué interministériel chargé du plan pauvreté, d’intervenir à la tribune. Et là, surprise : par sa voix, l’État s’engageait à soutenir la prévention spécialisée, à contractualiser avec les Conseils départementaux pour la renforcer, à menacer de se substituer aux collectivités locales qui feraient défaillance. Le ton était ferme et déterminé : la volonté affichée était bien de réinvestir le champ de la prévention spécialisée. Les moyens furent annoncés : des fonds pour financer du temps de travailleur social sur le terrain, une négociation en direct avec les partenaires locaux sans passer par des appels d’offre, des crédits supplémentaires fléchés vers le public des 18-25 ans. « Et les deux clubs de prévention supprimés au 1er janvier 2019 dans le département du Nord ? » l’interpelle alors un congressiste. Et Olivier Noblecourt de s’engager à négocier pour maintenir ces équipes. D’un côté, des professionnels montrant leur volonté de sauver le travail social qu’ils pratiquent au quotidien, en s’appuyant sur des principes éthiques incontournables (libre adhésion du jeune, anonymat, absence de mandat nominatif). De l’autre, un délégué interministériel qui affiche sa détermination à défendre et à promouvoir cette fonction essentielle entre toutes. Allons-nous nous réveiller demain, en pensant que c’était là un beau rêve et qu’il faut revenir à une réalité bien plus triviale : une prévention spécialisée continuant à servir de variable d’ajustement aux budgets des collectivités locales. Une petite lueur d’espoir se mettrait-elle à briller ? Il nous faut rester vigilants pour surveiller le sort qui sera réservé à ces annonces formulées hardiment. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » dit-on souvent. A Olivier Noblecourt de nous démontrer qu’il n’est pas un faiseur d’illusion.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1240 ■ 29/11/2018