L’accueil familial des adultes

Jean-Claude CEBULA, Dunod, 1999, 154 p

L’accueil familial s’adressant aux adultes reste un objet social peu identifié. L’ouvrage de Jean-Claude Cébula devrait largement contribuer à mieux le faire connaître. En 150 pages, il présente brillamment la problématique en proposant non seulement un  état des lieux mais aussi une vision critique à la fois pertinente et constructive.

Historiquement, ce type d’accueil est venu compenser les solidarités familiales et communautaires.  De profondes mutations tels la multiplication par 10 des centenaires depuis 40 ans ou l’éclatement de la famille traditionnelles ont, en effet, progressivement contraint les réseaux de soutien coutumiers à déserter le champ de la prise en charge. Les familles d’accueil qui ont pris le relais, se répartissaient alors entre des accueils libres ou des accueils financés par l’aide sociale, des établissements psychiatriques (ainsi, des villages comme Geel se centrent aujourd’hui encore sur l’accueil de 600 patients), des services spécialisés (comme Contadour en Loire Atlantique), ou des centres de post-cure pour toxicomanes. La loi du 10 juillet 1989 a posé le cadre réglementaire de contrôle et de régulation de ce mode d’accueil. C’est le Conseil général qui est chargé de l’agrément. Les rapports entre accueillant et accueilli font l’objet d’un contrat. La rémunération (très variable selon les départements) distingue le salaire (dit « indemnité pour services rendus »), l’indemnité d’entretien et le loyer. Trois populations sont désignées pour bénéficier de cette prise en charge : les personnes âgées (au nombre de 6.000 aujourd’hui), les personnes handicapées (6.000) et les malades mentaux (3.000). Les premières bénéficient du financement de l’aide sociale. Les seconde et troisième relèvent de la sécurité sociale. Ce texte législatif a permis de mettre de l’ordre dans une profession destinée à une extension certaine, sans toutefois mettre un terme à l’accueil sauvage, pourtant devenu illégal. Pourtant, de nombreuses critiques ont émergé très vite. Tout d’abord le principe du contrat place les partenaires dans un statut hybride relevant de logiques à la fois libérale, salariée, contractuelle et commerciale, le restaurateur/logeur devenant aussi employé. L’opposition ensuite entre le placement social et celui à caractère thérapeutique (aux financements différents) place le social et le médical non dans la complémentarité mais dans la concurrence. Alors même que sur le terrain, il est parfois bien difficile de distinguer ce qui relève de l’un ou de l’autre. Mais là où la loi pêche le plus, c’est bien dans l’absence d’une tierce personne porteuse à la fois d’un projet évolutif pour l’accueilli et médiatrice entre celui-ci et les accueillants. La riche expérience en la matière du placement familial pour mineurs n’a pas été mise à profit. L’arrêté du 1er octobre 1990 venant réguler l’accueil thérapeutique a corrigé cette erreur (en systématisant l’intervention d’une institution employeuse qui pose un cadre de référence), mais sans étendre toutefois cette modification à l’accueil social. L’autorisation d’exercer comme famille d’accueil pour adulte exige la capacité à assurer la santé, la sécurité et le bien-être de l’accueilli, la continuité de la prise en charge et le suivi socio-médical. Mais les « capacités faites d’attention, de soins quotidiens, de disponibilité, de permanence, d’écoute, bref de préoccupation familiale primaire matérialisant un espace tant physique que psychique » (p.61) méritent bien que soit revendiqué un authentique statut pour ces familles d’accueil.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°490 ■ 10/06/1999