Le contrat jeune majeur. Un temps négocié

GUIMARD Nathalie et PETIT-GATS Juliette, Ed. L’Harmattan, 2011, 187 p.

Voilà une étude bien venue, bien menée et bien argumentée. Le contrat jeune majeur est ce dispositif instauré en 1974, à la suite du vide juridique provoqué par le passage de la majorité de 21 à 18 ans. Des milliers de mineurs devenus subitement majeurs se trouvaient sans plus aucune prise en charge. Destiné à atténuer les effets de seuil, ce contrat concernait encore en 2007, 25.565 jeunes de 18 à 21 ans (soit 0,84% de cette classe d’âge). Au-delà de la remise en cause, par certains départements, d’une mesure conditionnelle qui souffre des restrictions budgétaires et de l’accroissement des charges liées à la gestion inconditionnelle des mineurs et de leur famille, les auteures posent de vraies questions sur la gestion éducative de la problématique induite par ces jeunes adultes. Sociologiquement, les jeunes d’aujourd’hui basculent bien plus tardivement dans la vie adulte, du fait de l’allongement des études, de l’entrée tardive dans le monde professionnel ou du report de l’installation dans un logement autonome. L’âge de la majorité souffre d’une désynchronicisation des seuils de passage, du fait même qu’il ne correspond plus à une période d’insertion ni sociale, ni professionnelle. Il s’agit bien plus d’un cheminement transitoire réversible, marqué par l’expérimentation, les tests et le retour possible dans un milieu familial protecteur. Le paradoxe veut que le contrat jeune majeur exige d’une population de jeunes adultes particulièrement fragilisés et insécurisés par un parcours parfois douloureux et chaotique, qu’elle fasse les preuves, plus que tout autre, de ses capacités à se projeter, à formuler des objectifs de vie et à démontrer sa détermination. Là où la trajectoire des jeunes générations devient de plus en plus aléatoire, on leur demande d’être en capacité de programmer la leur. Enjoint à devenir le propre entrepreneur de son existence, le jeune majeur va être évalué par les services éducatifs à partir de deux critères principaux : l’aptitude non seulement à maintenir des liens avec les professionnels chargés de l’accompagner, mais aussi à s’intégrer scolairement ou professionnellement. Les auteures identifient quatre situations types : idéale (bonne relation avec l’équipe et bonne dynamique d’insertion) et discréditante (mauvaise relation tant avec l’équipe que dans la dynamique d’insertion). Entre les deux, il y aurait la situation agaçante (mauvaise relation avec l’équipe, mais bonne dynamique d’insertion) et celle dite fragile (bonne relation avec l’équipe, mais mauvaise dynamique d’insertion). Mais, quelle que soit la problématique du jeune adulte, les professionnels restent partagés entre le devoir de protéger (privilège de la minorité) et l’obligation d’insérer (liée à la majorité).

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1048 ■ 02/02/2012