Accueillir l’enfant sous de meilleurs auspices

ASSOCIATION NATIONALE DES PLACEMENTS FAMILIAUX, Ed. L’Harmattan, 2012, 109 p.

Le placement familial est, pour l’enfant accueilli, à la conjonction de deux appartenances mises en tension permanente qu’il doit apprendre à métisser : sa filiation à sa famille naturelle et son affiliation à sa famille d’accueil. Les actes des vingtièmes journées d’étude de l’Association nationale des placements familiaux regroupés dans ce petit livre en sont une éclairante et féconde illustration. Il y a d’abord ce plaidoyer portant sur le lourd sentiment de honte qui pèse sur la famille d’origine, les parents souffrant à la fois de la séparation et de la culpabilisation d’avoir demandé (ou d’avoir subi) la séparation. Il y a ceux qui en retirent un profond sentiment de révolte, ceux qui dénoncent une prolongation à leur yeux comme plus nécessaire, ceux qui s’y résignent comme un épisode de plus dans leur longue vie de misère et de malheur, ceux enfin qui en acceptent les raisons et en reconnaissent les bienfaits. Mais, tous culpabilisent et, se sentant à la fois stigmatisés et disqualifiés, cherchent à démontrer à autrui autant qu’à eux-mêmes qu’ils sont dignes d’appartenir à la communauté des adultes capables d’éduquer. Cela, l’enfant placé le ressent au plus profond de lui. D’autant, qu’il est irrémédiablement relié à ces êtres ayant la fonction essentielle de transmission et de continuité entre une génération et une autre. Et puis, il se déploie dans l’ouvrage l’autre vision, rappelant que si certains parents peuvent se voir partiellement ou temporairement suspendus dans leur fonction, il en est d’autres qui se montrent totalement et définitivement inadéquats. Il faut se garder de la confusion entre le parent imaginaire et le parent réel. Parfois, le forçage des liens peut alors avoir des conséquences au prix fort : « autant, retrouver et vivre avec ses parent de naissance quand ceux-ci peuvent assurer une parentalité est une priorité psychique, autant rester dans l’attente illusoire d’une récupération de la fonction parentale est source de désespérance » (p. 51). L’assistance éducative n’a pas vocation à pallier aux carences rédhibitoires des parents (négligences graves, désintérêt récurent, désinvestissement patent), mais à protéger l’enfant et à accompagner, en les épaulant, les détenteurs de l’autorité parentale. Trop peu souvent, en cas de vacance ou d’impossibilité manifeste des parents à exercer leur rôle, le juge des enfants se dessaisit, au profit du juge des tutelles, pour une délégation d’autorité parentale forcée, partielle ou totale. La conviction est encore trop prégnante du rôle naturel des géniteurs dans leurs fonctions parentales et le maquis législatif trop foisonnant entre le droit administratif, civil, tutélaire et celui de l’autorité parentale qui peut être délégué, retiré ou transféré.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1106 ■ 23/05/2013