La construction de l’identité professionnelle des assistantes sociales. L’association nationale des assistants sociaux (1944-1950)

PASCAL Henri, Ed. Presses de l’EHESP, 2012, 277 p.

L’étude d’Henri Pascal permettant de comprendre la construction de l’identité de la profession d’assistante sociale va bien au-delà de l’intérêt qu’il y a toujours à plonger dans le passé, pour mieux comprendre le présent et appréhender l’avenir. On ne peut que constater la modernité des questions posées par nos aînées. C’est en 1938, qu’est créé le diplôme d’assistante sociale, fusion du diplôme d’infirmière visiteuse (1922) et du brevet de capacité professionnelle (1932). Le régime de Vichy développe considérablement la profession, qu’il renforce par des auxiliaires sociales ayant déjà exercé comme bénévole. Le 6 novembre 1943, l’Association des travailleuses sociales et l’Union Catholique des services de santé et des services sociaux se retrouvent au sein d’un comité d’entente et de liaison. De cette coordination naîtra, un an plus tard, le 9 décembre 1944, l’Association nationale de assistants sociaux diplômés d’État qui va déployer une intense activité pour donner à la profession une identité spécifique. L’association regroupe très vite 77% des assistantes sociales en exercice. Elle s’étend à tout le territoire et sert de conseiller technique auprès des ministères. Le premier objectif qu’elle se fixe alors, est la défense du diplôme d’État. La loi du 8 avril 1946 précisera le statut de la profession et règlera la régularisation des auxiliaires sociales, en fixant les conditions respectant l’exigence de qualification. Second objectif, l’organisation d’un ordre professionnel. L’ANAS, vécue comme l’embryon d’une telle institution, appuiera le projet législatif visant à l’instaurer. La commission des lois le rejettera par 17 voix contre 14, arguant de l’absence d’un statut libéral constitutif d’un ordre professionnel. Ayant échoué dans son ambition de se transformer en organe suprême, l’ANAS remplira alors une fonction de syndicat professionnel, se consacrant aux conditions d’exercice du métier, CGT et de la CFTC la vivant alors comme une rivale. L’élaboration d’un code de déontologie, son troisième objectif, aboutit en 1950 : dire au grand jour ce que les assistantes sociales font depuis des années, telle est l’ambition affichée. La profession, pour salariée qu’elle soit, refuse d’être soumis à ses employeurs, revendiquant d’être au service du bien commun. Elle récuse avoir à parer aux multiples carences, dont les origines la dépassent. Même si elle conseille volontiers les institutions, elle est là pour aider les familles. Elle refuse d’exercer tout contrôle et tient son unique légitimité de l’usager qui valide son action. Autant d’orientations que la profession défend, encore aujourd’hui, comme fondatrices de sa raison d’être.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1091 ■ 31/01/2013