Être directrice d’un établissement médico-social

HENKE Audrenne, Ed. L’Harmattan, 2018, 164 p.

Avec un tel titre, on pourrait s’attendre à un écrit décrivant des fonctions opérationnelles de gestion de budget et de réponses aux injonctions des administrations de tutelle. Ce n’est pas le genre de l’auteur. Éducatrice spécialisée pendant vingt ans, Audrenne Henke l’est restée de la pointe des cheveux jusqu’au bout de doigts ! Jonglant entre des situations cliniques concrètes qu’elle gère au quotidien et les références à Ricoeur, Autès, Camus, Castoriadis, Levi-Strauss, Mauss ou encore Kant, elle explique son besoin d’être en permanence du côté de la pratique quotidienne. Le fondement de son action s’abreuve au noyau éthique de la rencontre singulière : se confronter à l’autre dans sa différence, c’est admettre que son monde ne soit pas conforme à l’idée que nous nous en faisons et de nos codes de vie. La population qu’elle accompagne avec son équipe en est une excellente illustration. Le foyer de vie qu’elle dirige accueille des adultes psychotiques. Vivre avec des personnes en difficulté dans leur rapport avec l’altérité nécessite de mettre en place des rituels, des actes et des paroles qui symbolisent l’autre : vouvoiement de rigueur, structuration de l’espace social, respect de l’intimité, rites de passage. Être directrice, c’est travailler au plus près, c’est être à cœur et à corps, accepter de se laisser toucher, se montrer capable de compassion mais aussi poser des exigences, connaître finement les compétences au sein de son équipe, mais aussi les problématiques du public accompagné. C’est pourquoi sa porte est toujours ouverte (sauf quand il faut préserver la confidentialité). Cette revendication de proximité et d’engagement s’oppose à une technocratie chargée de normes, de procédures et autres protocoles. Tête de pont de la résistance ou chant du cygne ?

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1246 ■ 05/03/2019