L’évaluation des pratiques dans la protection de l’enfance

BOUTANQUOI Michel, MINARY Jean-Pierre & al, L’Harmattan, 2008, 148 p.

Croire que les effets de la protection de l’enfance ne peuvent se mesurer qu’à l’aune des bonnes intentions initiales n’est que pure illusion. Mais, penser que l’amélioration des pratiques pourrait être obtenue grâce au contrôle de conformité de l’action engagée au regard d’un cahier des charges initial, d’une norme, d’un gabarit ou d’un modèle pré-établi est tout aussi chimérique. L’importation sans précaution, dans le monde du social, des outils de l’entreprise et des idéologies managériales a largement contribué à obscurcir la question de l’évaluation. Référentiels, démarches qualité, positionnement consumériste de l’usager conviennent sans doute à la logique gestionnaire qui cherche à rationaliser et à objectiver la réalité. Elles ne sont guère appropriées à une démarche de relations humaines qui échappe largement à toute tentative de transparence. L’accompagnement, tout comme l’aide ne peuvent se réduire à un rapport de causes à effets, tant les améliorations immédiates peuvent s’avérer ponctuelles et fragiles et les évolutions de fond avoir des effets à retardement. A la causalité simple, s’oppose la pensée conjonctive qui conçoit à la fois le même et l’autre, la relation et la séparation, le changement et la permanence, l’exprimable et l’indicible. Tenter d’identifier une bonne pratique, c’est prendre le risque de dériver vers le moralisme étroit, le dogmatisme ou le pragmatisme. Les manières orthodoxes d’éduquer et de protéger un enfant varient selon les cultures, les époques et l’état des connaissances. Une grande marge de manoeuvre existe et si l’on veut échapper à l’idéologie, on doit moins rechercher de vérités que poser des interrogations, en s’efforçant de penser dialectiquement le local et le global, l’horizontal et le hiérarchique, le geste et le dispositif, le subjectif et l’objectif. Cette démonstration qui traverse l’ouvrage n’est pas là pour délégitimer toute évaluation, mais pour souligner la délicatesse de sa mise en œuvre. A la propension contemporaine à tout vouloir mesurer et à en tirer une prétendue objectivité, les auteurs préfèrent une démarche ouvrant sur un travail réflexif d’explication, d’argumentation et de ré interrogation des pratiques. Avec comme illustration, une expérience d’évaluation des compétences parentales mises en œuvre au Québec, qui répond aux inconvénients à la fois d’une approche centrée sur les résultats (qui négligerait le déroulement) et de celle qui privilégie le processus (au risque d’en oublier les objectifs). Le modèle intégré proposé ici intègre la complexité des situations à investiguer, en associant les parents dans une approche qui les place non à la place de clients, mais comme sujets à part entière capables d’influer sur les conditions de leur existence.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■  n°944 ■ 08/10/2009