SOS contre toute attente

Entretien avec Jean-Marc Borello, éditions Rue de l’échiquier, 2009, 158 p.

Quel est donc ce personnage sulfureux, provocateur et colérique qui dirige un groupe de 170 établissements et services et de 2.700 salariés, s’adressant à 25.000 usagers ? Celui qu’on a, tour à tour, comparé à un Messier ou à un Tapie du social ne s’en laisse pas compter. C’est sans langue de bois, ni ronds de jambe qu’il s’exprime ici. Jean-Marc Borello apparaît pétri de valeurs fortes, fonceur et agitateur d’idées. On comprend qu’il ne se soit pas fait que des amis dans l’économie sociale. Il attaque fort en dénonçant un monde associatif trop cloisonné et pas assez solidaire, restant centré sur un secteur particulier, l’empêchant de bénéficier de la plus value que représentent son poids et sa richesse. Après avoir fondé, en 1984, avec la chanteuse Régine, le groupe SOS-drogue international, il ne s’est pas endormi sur ses lauriers.  Au cours des années qui ont suivi, il s’est intéressé à bien d’autres domaines que la toxicomanie : soins palliatifs, accueil des SDF, protection de l’enfance, développement durable, insertion … et la petite dernière, en octobre 2008, une crèche ouverte à Paris et accueillant tant des enfants porteurs de handicap que valides. Mais cette grosse structure ressemble bien plus à un banc de poissons qu’à une grosse baleine au fonctionnement hiérarchique pyramidal. L’autonomie prévaut et si Jean-Marc Bollero s’honore d’être à l’initiative de projets innovants qui bousculent les habitudes du secteur, il sait très vite déléguer à des relais compétents, en s’adressant à des professionnels. Aucun dispositif ne doit être ni statique, ni immuable, les contours et la forme doivent rester mouvants : on imagine, on se lance, on expérimente, on évalue et si cela marche, c’est ensuite repris dans les politiques sociales officielles, explique-t-il. Ce qui ne l’a pas empêché de fermer un foyer d’accueil en Lozère qui était devenu le dépotoir des enfants en grande difficulté de la région parisienne ou une structure dépassée style accueil de toxicomanes à la campagne. Le maître mot doit être l’adaptation aux besoins sociaux. Les dispositifs efficaces doivent remplacer ceux qui ne le sont pas. Jean-Marc Bollero a ce côté battant que l’on prête plus à des capitaines d’industrie. Il achète des hôtels deux et trois étoiles pour offrir des conditions d’accueil pour les SDF, là où d’autres continuent à les loger en dortoir. Il signe une circulaire ordonnant à ses services de continuer à accueillir des sans papiers, malgré le menaces du ministère de l’intérieur. Il refuse la commande officielle de créer des centres fermés pour les mineurs. Son ambition ? Élargir le groupe SOS et continuer à en faire une auberge espagnole où chacun amène ses compétences. Un drôle bonhomme assez fascinant, à retrouver dans ce livre passionnant.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°957 ■ 21/01/2010