L’empowerment, une pratique émancipatrice?

BACQUÉ Marie-Hélène et BIEWENER Carole, Ed. LaDécouverte/poche, 2015, 175 p.

Voilà un livre bienvenu pour clarifier un peu ce concept d’empowerment qui a déclenché, depuis son arrivée en France dans les années 2000, autant d’engouement que de rejet. Perspective radicale d’émancipation ou nouvelle expression de la doxa néo-libérale ? Les auteurs font le tri dans la polysémie et le flou conceptuel de cette notion. La traduction française du mot est incertaine et insatisfaisante : « affiliation », « pouvoir d’agir », « puissance d’agir », « capacitation ». Trois interprétations potentielles en ont été faites. Le modèle néo-libéral la reprend à son compte pour valoriser l’autodétermination, la responsabilisation et le libre choix des individus appelés à devenir entrepreneur de leur propre vie. Ils sont invités à optimiser les opportunités disponibles et à utiliser le self-help pour trouver des solutions par eux-mêmes, en alternative à un État  social par trop paternaliste accusé de créer de l’assistanat. Le modèle social libéral, quant à lui, y voit un moyen de garantir une participation équitable de tous au pouvoir démocratique, avec comme projet de réduire les inégalités sociales, sans pour autant en remettre en cause les sources. Pour le modèle radical, l’empowerment n’est pas fait pour s’adapter aux problèmes rencontrés, mais pour développer la capacité à travailler à son changement. Le travailleur social n’est plus le libérateur ou le bienfaiteur, mais le nourrisseur, le facilitateur, le partenaire, le collaborateur et le mobilisateur de ressources des usagers. Son action consiste à cheminer avec eux pour leur permettre de prendre conscience de leur capacité d’agir, de la développer et de l’utiliser pour transformer la société. L’empowerment apparaît donc à la fois comme la pire des illusions et un excellent outil pour permettre la réappropriation du pouvoir sur soi-même, selon l’utilisation que l’on en fait.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1186 ■ 26/05/2016