Debout pour nos métiers du social

ALIX Jean-Sébastien, BERTRAND Didier, BRUN Jean-Marc, CHAUVIÈRE Michel, GUARRIGUE Gabrielle, Ed. érès, 2018, 198 p.

Le débat sur l’avenir du travail social engagé depuis quelques années aura été marqué par des grands absents : les travailleurs sociaux eux-mêmes ! Le constat qui est dressé ici à plusieurs voix est concordant : il aura été une affaire de gouvernance et non de pratiques de terrain, de dirigeants et non de professionnels, de maîtres d’ouvrage et non de maîtrise d’œuvre, de back office et non de front office. Ce qui a dominé les orientations prises, c’est la vision d’une action sociale considérée avant tout comme une charge pour la société, un coût pour le budget, un pourcentage de la dette publique et non comme un levier pour le développement économique. D’où la culture de l’utile et du comptable, du court terme et des résultats immédiats, du rentable et du compétitif venant justifier les sommes investies et rationaliser tant financièrement que techniquement la souffrance humaine. Pilotage, référentiels d’activité, de compétence, de formation, de certification, référent de parcours ou de projet, expertise, ingénierie, maîtrise des outils de gestion, projet, procédures, protocoles… tous ces instruments technicistes vident le travail social de sa substance : l’accompagnement clinique. Cette démarche de proximité qui permet de prendre en compte la singularité de l’usager en cheminant à ses côtés est aux antipodes la maîtrise opératoire des situations humaines. Elle consiste à abandonner la sécurité d’une procédure prescrite aux résultats programmés et attendus. Elle s’appuie sur l’incertitude des processus d’élaboration, sur l’expérimentation et sur la créativité nécessaire pour faire face dans le quotidien aux imprévus et aux allures multiples. Elle est conditionnée par les échappées hors des attentes et des injonctions réelles et imaginaires tant de l’accompagnateur que de l’institution. Elle nécessite du temps : celui de la présence à l’autre comme de l’attente, de la disponibilité comme du partage, de la transition, du tiers, comme du répit. Travailler dans le respect de l’usager ce n’est pas le brutaliser avec d’illusoires résultats objectivables, mais accepter son rythme et se placer en adéquation avec là où il en est et non là où l’on voudrait qu’il soit. Les logiciels quantifiant les actes, la pression des évaluations et le remplissage des statistiques bafouent l’individu, nie sa singularité et aseptise le quotidien. Alors oui, debout, pour organiser la résistance, défendre la solidarité et la justice sociale, la dignité de la personne et promouvoir l’intérêt général en soutien aux plus démunis.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1226 ■ 05/04/2018