L’intérêt de l’enfant

McEWAN Ian, Ed. Gallimard, 2015, 232 p.

Fiona Maye est une brillante magistrate britannique spécialisée en droit de la famille. Elle va vivre en l’espace de quelques mois deux évènements contigus: des complications d’ordre personnel et un jugement particulièrement délicat à établir. C’est d’abord sa rupture conjugale, dont la chronique parcourt le roman, que l’on suit pas à pas, démonstration que l’on peut être une éminente juriste, tout en étant confrontée aux mêmes préoccupations que ses justiciables. L’affaire qui la marquera à jamais, ce n’est pas tant cette demande émanant d’un hôpital qui sollicite une autorisation judicaire pour séparer deux bébés siamois, l’opération permettant de n’en sauver qu’un seul. Choix douloureux pour des parents fervents catholiques, refusant toute intervention. Ce n’est pas non plus ce conflit au sein d’une famille juive se disputant la garde des enfants, l’avocate du père reprochant à la mère de ne pas adopter un style de vie suffisamment orthodoxe. Non, ce qui va longtemps tarauder cette juge des affaires familiales, c’est Adam Henry, cet adolescent de dix-sept ans, atteint d’une leucémie qui refuse toute transfusion, en cohérence avec les préceptes des témoins de Jéhova à laquelle sa famille adhère. Fiona Maye décide de ne pas s’en tenir uniquement aux plaidoiries des avocats, mais de se déplacer à l’hôpital, pour recueillir l’avis  de l’adolescent. Décision peu académique qui entraînera la magistrate dans un maelstrom affectif et juridique auquel elle ne s’attendait certes pas. Comment établir l’intérêt de l’enfant, sans le confondre avec celui des ses parents ? Comment mettre à distance l’affiliation religieuse qui, pour être légitime, n’en a pas pour autant à dicter les décisions de la justice ? Comment appliquer la loi, en se montrant totalement imperméable à la profonde humanité des situations que l’on a à trancher ? Émouvant et haletant, ce roman se dévore plus qu’il ne se lit.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1180 ■ 04/03/2016