Jours d’inceste

Anonyme, Ed. Payot, 2017, 157 p.

Voilà un livre qui crée un malaise. Non, parce que son auteure a gardé l’anonymat ou pour ses descriptions des plus crues (lecteur prude s’abstenir). Si ce témoignage est troublant, c’est surtout parce que, victime de viols depuis l’âge de ses trois ans, elle étale son ambivalence : « Mon secret, c’est qu’il me violait. Mais, le secret sous le secret, c’est que parfois j’ai aimé cela ». Le scénario est classique : une famille bien ancrée dans l’inceste (le grand-père ayant utilisé ses propres enfants à des fins sexuelles), une mère plus préoccupée des risques pris par sa fille quand elle joue dehors que par le sang qui coule entre ses jambes, un père affirmant à son enfant qu’elle lui appartient, qu’elle est responsable de ce qu’il commet, menaçant en outre de la tuer (ou de se suicider), si elle révèle quoi que ce soit. Les ingrédients du drame sont réunis. Et pourtant, ce vécu est présenté comme à la fois terrifiant … et agréable. L’auteure se décrit comme voulant plaire à son père, se montrant obéissante, intelligente … et sexy. Le trouble grandit tout au long de cette lecture : roman pornographique provocateur et sulfureux ou récit authentique ? Malgré la crainte qu’un tel ouvrage devienne l’alibi des pédophiles, je m’interroge : et si ce texte nous faisait rentrer dans la complexité de ce que peut vivre, aussi, une enfant victime de l’agression sexuelle de celui qu’elle chérit le plus au monde : son père ?

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1221 ■ 25/01/2018