Ma part de gaulois

CHERFI Magyd, Ed. Acte Sud, 2016, 250 p.

« J’étais à l’écriture, ce que le mineur était au minerai, bien plus dans le concassage que dans l’épure ». Ainsi, commence le livre de Magyd Cherfi. On ignore ce qu’était alors la langue de l’auteur. Celle qu’il nous livre ici est à ce point ciselée et sensible qu’elle ravit sans jamais faire oublier la profondeur et l’intensité de ce qu’elle décrit. On se régale d’un bout à l’autre de ce récit qui sublime le vécu que fut le réel de cet enfant de la banlieue toulousaine  qui se jeta très tôt à corps perdu sur tous les dictionnaires de rimes  et anthologies de la poésie française. Bien sûr, dans son milieu où l’intérêt pour la belle langue revenait à « sucer les français », ce n’était guère bien vu ! Les garçons de la cité ? « Je les croquais en verbe, ils me retournaient la bouche à coups de savate ». Quant aux filles à qui il ne cessaient d’adresser des strophes bien troussées : « interdites de sorties, je devenais leurs passeport pour les étoiles ». A 12 ans le voilà devenu le Mac du sonnet, l’Al Capone du vers, le voyou de la plume. Il lui faudra beaucoup de courage pour finir par ouvrir un livre en plein milieu de son quartier. Partie prenante plus tard dans l’aventure du groupe Zebda, « j’ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un bouclier, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s’est engouffrée la seule idée qui vaille, l’universel » (p. 259) Une pure merveille, ce livre !

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1217 ■ 16/11/2017