Sur la corde raide. Le feu de la révolte couve toujours en banlieue

BELMESSOUS Hacène, Ed. Le Bord de l’eau, 2013, 180 p.

Ce n’est pas parce qu’on n’entend plus trop parler des banlieues, depuis les émeutes spectaculaires de 2005, que les problèmes ont disparu. C’est ce que nous démontre Hacène Belmessous, dans son dernier ouvrage structuré à partir de solides enquêtes de terrain menées dans deux quartiers de l’agglomération parisienne : la cité Balzac à Vitry sur Seine et La Grande Borne à Grigny. On peut même dire que tous les explosifs sont en place, n’attendant plus qu’une étincelle, pour exploser à nouveau. Car, les résultats des politiques publiques, pour sortir ces quartiers de la stigmatisation qui les frappe, sont bien peu visibles. Les témoignages recueillis sont particulièrement explicites. La diversité qu’on y trouve laisse la place à une vision journalistique uniformisée ne retenant que la domination machiste masculine qui, pour exister, est bien loin d’être généralisée. La situation de l’emploi y reste catastrophique : prise en compte, il y a encore de cela quelques années, elle l’est de moins en moins, du fait du dépérissement des dispositifs d’insertion. La décision des services de transport de répondre au caillassage par le renoncement à desservir certains secteurs n’a fait qu’accroître l’isolement spatial et la réclusion des populations prises en otage. Loin de voir leur intervention renforcée, les professionnels de la Protection judicaire de la jeunesse se retrouvent avec de moins en moins de moyens, pour accompagner les jeunes en difficulté : les foyers éducatifs ferment les uns après les autres, tout comme les centres de jour leur proposant une pré professionnalisation. Quant à la police, elle n’est plus cette institution d’ordre au service de la cité comme le souhaitent ses habitants, mais un outil de répression et de contrôle permanent de la vie de la cité. Trop souvent, les contrôles tatillons et répétitifs visent les mêmes catégories de population (de préférence ceux qui sont bronzés). Les CRS et policiers omniprésents adoptent les mêmes codes et comportements que les jeunes, usant de l’arbitraire et jouant de l’intimidation, n’hésitant pas à porter de fausses accusations qui aboutissent à l’incarcération de jeunes condamnés à tort. La tension, la précarité, l’humiliation nourrissent un sentiment de désespoir. Le fort taux de chômage, l’importance de l’échec scolaire, la grande pauvreté donnent un sentiment d’abandon. Situation paradoxale : alors que c’est le délaissement dont souffrent ces quartiers qui sont le plus souvent à l’origine des violences urbaines qui s’y déroulent sporadiquement, ce sont ces incidents qui justifient les défections qui les frappent. Alors que manquent les moyens éducatifs susceptibles de les aider à s’en sortir, la seule réponse est répressive. Tout semble calme. Jusqu’à quand ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1101 ■ 11/04/2013