Les jeunes et la loi. Nouvelles transgressions? Nouvelles pratiques

ABDELLAOUI Sid (sous la direction), L’Harmattan, 2010, 217 p.

Il est fréquent d’affirmer que la délinquance des mineurs aurait changé : plus précoce, plus agressive, plus gratuite qu’auparavant. Ce qui justifie le retour à l’enfermement et à la répression, mais aussi à la tentation du dépistage préventif. Pendant longtemps, le modèle protectionnel guida les politiques publiques. La cause de l’infraction était plus importante que sa nature juridique : l’infraction n’était pas considérée comme un acte posé par un sujet, mais comme le symptôme d’une situation qu’il ne maîtrisait pas, produit par une chaîne de causalité qu’il s’agissait de mettre à jour et de traiter. La société devait autant se protéger du délinquant, que le soigner. Ce qui s’impose aujourd’hui, c’est un nouveau paradigme articulant la prévention situationnelle et le droit punitif : ce serait les circonstances qui provoqueraient le crime. Il faudrait donc les transformer, afin de rendre tout passage à l’acte impossible ou difficile, risqué ou peu rentable. D’où le surinvestissement des dispositifs de surveillance et de contrôle (dont la vidéo surveillance est l’exemple emblématique), au détriment de tout le travail relationnel avec les destinataires de l’intervention. D’où, aussi, la responsabilisation des mineurs, l’enfant n’étant plus considéré comme un être marqué par le manque et l’immaturité ne lui permettant pas de conduire et d’assumer son projet de vie. D’où, encore, la colonisation du droit pénal des mineurs par celui des majeurs, toute culpabilité face à un acte répréhensible devant déboucher sur une sanction destinée à rétribuer une faute ou à corriger un comportement déviant. Mais, peut-on distinguer entre les faits objectifs de transgression et leur éclairage médiatique qui amplifie des actes ayant toujours existé ; entre la démultiplication proclamée des troubles du comportement et l’abaissement de notre degré de tolérance à leur égard ; entre l’accroissement des troubles psychiques et notre tendance à coller les étiquettes qui nous arrangent ? Y a-t-il vraiment évolution de tous ces phénomènes ou plutôt mutation du regard social et adoption d’une autre grille de lecture les concernant ? Ce dont on est certain, c’est que nos sociétés ont quitté cette époque du plein emploi où les jeunes qui décrochaient à l’école étaient malgré tout intégrés dans le monde du travail ; c’est qu’une partie de la population, parmi la plus fragile, est devenue surnuméraire et inutile socialement et économiquement ; c’est que les peurs de l’Europe forteresse, face à la porosité de ses frontières, tendent à culturaliser la lecture de la déviance, induisant l’ethnicisation de la délinquance des mineurs. La question sécuritaire colonise les politiques en direction de la jeunesse.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1034 ■ 13/10/2011