Conversation sur la naissance des inégalités

DARMANGEAT Christophe, Ed. Agone, 2013, 196 p.

Cette conversation d’un économiste avec lui-même, dans une collection intitulée « comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire », est rien moins que passionnante. Elle permet de combattre l’idée reçue de la fatalité d’une inégalité qui aurait existé de tous temps. Trois types de société se sont succédées dans l’histoire : égalitaires, inégalitaires et celles divisées en classes sociales. Dans les premières, on ne trouve ni propriété privée, ni hiérarchie sociale : le partage est la seule logique admise. Personne ne conçoit de disposer de nourriture sans en donner à celui qui n’en a pas, le produit de la chasse étant souvent destiné aux autres, chaque chasseur étant nourri par ce qu’il reçoit d’eux. Les chefs ne tirent alors leur autorité non de la soumission ou de la contrainte, mais de leur sagesse et de leur générosité, sans qu’aucun privilège ne soit attaché à leur fonction de pacification. Ce ne sont pas seulement les inégalités de richesse qui sont alors ignorées, mais la richesse elle-même. Ce n’était pas, pour autant, des sociétés idéales, n’étant à l’abri ni de la violence endémique, ni de l’oppression d’un sexe par l’autre. Le passage à l’agriculture et à l’élevage, pratiques économiques favorisant à la fois la sédentarité et le stockage, permirent les premières accumulations de biens. Pourtant, si la répartition inégalitaire devint possible, ce ne fut pas pendant longtemps au détriment de la communauté, les stocks continuant à servir aussi aux plus démunis. La société de classe émergea, dès lors où une minorité réussit à se libérer des tâches productives et où le reste de la société ne put accéder aux moyens de production, qu’en abandonnant une partie de son produit à ceux qui les possédaient. Si l’Homo Sapiens est apparu il y a 200.000 ans, la domination de classe débuta, selon les continents, il y a seulement 5.000 à 10.000 ans.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1181 ■ 17/03/2016