A quoi sert de maudire la nuit? De la prison au ministère

 Danielle Huègues, Presse de la Renaissance, 1998, 201p

A une époque où il est plus coutumier de passer du ministère à la prison, nous pouvons saluer l’itinéraire inverse d’une personnalité des plus attachantes.
Tout commence par une enfance privée de l’amour d’un père et d’une mère qui vous serrent contre eux et vous donnent envie de vivre votre vie avec plaisir. Alors, c'est la fuite en avant et la recherche des parents manquants qui dans ces grands truands qui prennent Danielle sous leur aile, qui dans cette femme qui lui fait miroiter le mirage et les paillettes de strass d’une vie dorée. Cela vaudra à l’auteur 14 années d’emprisonnement pour escroqueries et bien des galères. Jusqu’à ce qu’une illumination mystique s’empare d’elle un matin d’août 1989 au fond d’une cellule de la prison de Fresnes. Certains sortent d’une telle expérience en s’enfonçant dans la folie. Danielle, elle, passe un pacte avec son “ copain du dessus ” comme elle l’appelle, et décide en sortant de prison de changer radicalement de vie. Une fois dehors,  la voilà qui s’engage au sein de l’association “ Cœur de femmes ”, cette maison qui accueille une vingtaine de femmes en pleine détresse, en dérive ou à la rue. Et c’est le combat quotidien pour maintenir le fragile équilibre dans ce qui peut se transformer autat en overdose, en bagarres, ou en insultes qu’en chants, en rencontres et en gages d’amitié et d’amour bouleversants. Au bout d’1 an 1 /2, Danielle Huegues décide de se lancer dans un nouveau défi : la Halte des Amis de la Rue. Convainquant qui un responsable de la gare de Lyon, qui le Directeur du SAMU social (un certain Xavier Emmanuelli), elle crée un lieu d’accueil ouvert à tous les exclus qui désirent être entendus, aidés et nourris. Ainsi, chaque jour, 3 à 400 personnes sont reçus, sans avoir besoin de frapper à la porte, sans formalité, souvent sans papiers. Puis arrive 1995. Le secrétaire d’Etat à l’action humanitaire lui demande de devenir son chargé de mission et d’intervenir comme médiatrice auprès des élus locaux qui multiplient les arrêtés municipaux anti-mendicité. Aujourd’hui, Danielle a repris son travail inlassable de militante auprès des plus démunis. Elle revendique très fort le respect de 5 droits fondamentaux pour les sans droits : être accueilli, bénéficier du lien social, avoir accès aux prestations de base, avoir accès aux soins et bénéficier du droit d’insertion. Mais Danielle ne fait pas que proclamer, elle l’applique.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°466 ■ 10/12/1998