Communautarisme. Enquête sur une chimère du nationalisme français

DHUME-SOUZOGNI Fabrice, Ed. Demopolis, 2016, 226 p.

Le mot communautarisme est récent, entrant dans le Larousse en 1997 et le Petit Robert en 2005. Entre 2005 et 2006, son occurrence dans les moteurs de recherche a été multipliée par sept ! Ce terme ne recouvre en réalité qu’une fiction et non un fait social précis ou une réalité factuelle. Plus on l’utilise, plus il est supposé exister, constituant une prophétie auto-réalisatrice. Pour Fabrice l’auteur, cette expression appartient au langage du groupe majoritaire qui se veut détenteur de la seule légitimité et qui considère la parole des groupes minorisés comme une manifestation ethnique non conforme à la nécessaire neutralité qu’il est le seul à symboliser. Cette majorité entend bien imposer, affirmer et confirmer le monopole qu’il détient de la définition de ce qu’est l’ordre social, de ce qu’est la norme dominante, de ce qu’est la conformité républicaine. L’Autre, et plus particulièrement le musulman, est soupçonné de remplacer l’Etat-nation par des identités de substitution conduisant au délitement social. De fait, on ne qualifie jamais de communautariste les groupes d’affiliation masculins, blancs et hétérosexuels. Dans ce livre, l’auteur mène une enquête sociologique minutieuse, identifiant la généalogie de cette notion et le processus d’amplification par des media qui ont réussi à en banaliser et généraliser l’emploi. Il démontre comment cette formulation tardive d’une réalité qui n’a jamais cessé d’exister, traduit l’exploitation des peurs et des incertitudes d’une époque marquée par l’inquiétude de millions de personnes face à l’insécurité sociale et à la fragilisation des solidarités. Ces angoisses sont manipulées, exacerbées et transmutées en fantasmes d’expropriation dirigés contre des immigrés accusés de représenter une menace.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1250 ■ 30/04/2019