Du prince charmant à l’homme violent. Prévenir les violences conjugales

NGUYEN Swan, (avec la participation de GARANT Julia), Ed. L’esprit du temps, 2015, 231 p.

Pendant longtemps, les violences conjugales furent légitimées par le droit de correction accordé aux hommes et aux pères. Le droit coutumier belge, datant du 14ème siècle, ne prétendait-il pas que battre sa femme n’était pas répréhensible, tant que celle-ci survivait aux mauvais traitements subis ? Il faudra attendre le nouveau code pénal entré en vigueur en 1994, pour que ces maltraitances relèvent du délit. Pourtant, aujourd’hui encore, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Les actes posés vont de l’humiliation répétée jusqu’au meurtre, en passant par les coups, la torture, le viol, la contrainte à la prostitution, auxquels se rajoute le suicide de la victime poussée au désespoir. La stratégie de l’agresseur peut prendre plusieurs formes successives ou cumulatives : l’isolement de son souffre-douleur, sa dévalorisation, sa désignation comme coupable dans une véritable inversion des responsabilités, son enfermement dans un climat de peur et d’insécurité et l’instauration d’une logique d’impunité pour l’auteur des violences. Il s’agit là d’un mécanisme d’emprise et de domination qui emprisonne la femme s’y laissant enfermer. Il est très souvent difficile pour elle de réussir à s’en libérer rapidement. Les ruptures successives sont autant de petits pas lui permettant de cheminer progressivement vers une séparation définitive. L’homme violent est lui-même persuadé de la légitimité de ses comportements. Il veut soumettre et détruire pour se prouver à lui-même qu’il est fort, alors même qu’il est faible, immature et que gît en lui un enfant en souffrance. L’escalade dans laquelle il s’engage commence par des violences psychologiques, qui deviennent ensuite verbales, avant d’être physiques. Il est contre productif, face à ce type de situation, de vouloir précipiter les choix de la victime, ou d’imposer ses propres convictions. Il faut, au contraire, respecter son rythme et ses souhaits, en se montrant disponible et à l’écoute, tout en reconnaissant ses propres limites d’intervention. L’auteure ne se contente pas d’un état des lieux particulièrement bien construit. Elle cherche aussi à identifier les causes. Avec comme hypothèse centrale une éducation sexiste qui encourage les garçons à se battre et les filles à de taire. A l’appui de sa démonstration, des textes de chansons traditionnelles et dix pages de citations et de proverbes chosifiant les femmes accusées d’être vénales, infidèles, manipulatrices, menteuses, bavardes, stupides et dangereuses pour les hommes. Si le prince charmant se transforme parfois en tortionnaire, sa responsabilité pénale est engagée et il devra tôt ou tard rendre des comptes devant la justice. Mais, la culture dominante banalisant une nature féminine présentée comme d’essence perfide joue un rôle tout autant nuisible.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1181 ■ 17/03/2016