Le désamour. De la maltraitance à la résilience

ZAOUI Leïla, Ed. Michalon, 2016, 166 p.

Elle a longtemps hésité. A 35 ans, mère de deux enfants et éducatrice spécialisée de métier, elle a voulu savoir. « Tu m’as battue, maltraitée, enfermée dans un placard, mal habillée, mal nourrie »… dans un flot continu de paroles, elle interroge sa mère. La seule réponse qu’elle obtiendra, c’est une pirouette : « Mais, tu vois, tu t’en es sortie » ! Très tôt, Leïla est devenue le souffre douleur de sa mère. De son enfance, elle ne garde aucun souvenir d’amour ou d’affection, juste des brimades, des coups et des humiliations : prendre son bain dans l’eau souillée et froide, dans laquelle tout le monde s’est déjà lavé ; devoir fouiller les poubelles pour se nourrir ; étudier ses leçons à la lumière des lampadaires, car l’électricité coûte trop cher. Pourquoi elle et pas ses trois sœurs ? Elle l’ignore. Elle sait juste qu’elle n’a droit à rien, même pas d’accéder à la salle à manger, sauf en cas de visite, pour faire bonne figure face à l’assistante sociale, par exemple. Placée à dix sept mois en famille d’accueil, sa mère l’a reprise au bout de six mois. Le début d’un long calvaire dont le carnet de santé retrace le parcours, les hospitalisations se succédant sans fin. Il est difficile d’imaginer que l’on puisse à ce point martyriser un petit d’homme. Et pourtant, en France, deux enfants meurent chaque jour sous les coups. Pour terrifiant qu’il soit, le récit de Léïla Zaoui constitue un formidable cri d’espoir. Parce qu’elle a réussi à s’appuyer sur des adultes bienveillants dont elle a croisé le chemin, comme autant de tuteurs de résilience. Parce qu’elle a su capitaliser ses forces et dépasser ses fragilités. Parce que, malgré toutes les épreuves vécues, elle a réussi à se construire un avenir. Aujourd’hui, elle se sent enfin sereine et libre d’avancer dans la vie.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1196 ■ 24/11/2016