Le salaire des enfants

ALLEGRA Cécile, Ed. Stock, 2016, 224 p.

La législation des pays développés s’enorgueillit d’avoir éradiqué le travail des enfants. Le long reportage à travers l’Europe que nous propose Cécile Allegra démontre le contraire. Si l’on est bien loin de l’esclavage de ces millions de mineurs du sous-continent indien, la situation de nos pays est loin d’être rassurante. Giultena, adolescente bulgare de 15 ans travaille dès l’aube dans les champs de tabac. Seize heures durant, elle repique les plants, bêche, arrose, enfile les feuilles, puis les repasse une à une dans la moiteur des greniers, étouffant dans les tourbillons de poussière. Mickaël, adolescent anglais de 15 ans, travaille trois nuits par semaine, pour aider à livrer le lait, n’arrêtant sa tâche que pour se rendre à l’école. Giovanni, adolescent italien de 13 ans, prend les commandes des consommateurs de café et assure la livraison. Ils sont comme lui 260.000 mineurs à avoir rejoint le marché du travail. De plus en plus de familles n’ont d’autres choix, poussées par la misère, que d’envoyer leurs enfants travailler. C’est pour elles, une question de survie. Aucun filet de sécurité ne semble plus efficace contre ce fléau. Mimmo, éducateur napolitain accompagnant les enfants de la rue a du abandonner son poste. Cela faisait trois ans que la municipalité ne le payait plus, la réduction des dépenses sociales servant de variable d’ajustement, quand le budget doit être réduit. La France n’est pas plus exemplaire, l’auteur décrivant l’apprentissage de Lena, chargée seule de la gestion d’une boulangerie, subissant des horaires à rallonge et une surcharge de travail la menant à l’épuisement, sans que le CFA , banalisant la situation, n’accepte d’intervenir. Au XXème siècle, le travail des enfants avait reculé en même temps que le libéralisme économique. Il se développe avec sa réactivation.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1240 ■ 29/11/2018