Ados. Crise? Quelle crise?

DHÔTEL Gérard, Édition Thierry Magnier, 2010, 197 p.

S’il est bien une classe d’âge qui cumule les poncifs et les idées reçues, c’est l’adolescence. Gérard Dhôtel a conçu son ouvrage comme un véritable contrepoint aux vingt préjugés les plus courants qui stigmatisent cette période de l’existence. S’appuyant sur l’avis de neuf spécialistes psychologues et pédagogues, il fournit une riche argumentation qui, sans tomber dans l’angélisme, rétablit la juste mesure. Tout commence par un constat : entre les adonaissants qui piaffent de grandir et les adulescents qui tardent à quitter le nid familial, la période de l’adolescence semble s’être allongée, démesurément. Même si la puberté constitue un repère physiologique incontournable, ado on l’est dans sa tête avant de l’être dans son corps. Cela commence quand se manifestent le besoin d’autonomie, la nécessité de mesurer sa force en s’opposant à ses parents, l’adhésion à une culture propre. Cela se poursuit, parfois, par la revendication du droit à prolonger le temps de l’insouciance et de l’innocence. Mais il n’y a pas que dans la durée que l’adolescence se fait remarquer. Il y a aussi cette exagération qui le caractérise : on n’est pas amoureux, mais amoureux fou, on n’est pas malheureux, mais désespéré, on n’est pas en colère, mais ivre de rage. Tous les sentiments sont exaspérés. Le sens de la mesure ne va s’acquérir qu’à l’âge adulte. Le manque de confiance en soi peut, parfois, être pathétique : « est-ce que je vaux quelque chose » passe par « est-ce que j’existe dans le regard des autres ? ». Avec, parfois : « je ne vaux rien, donc je deviens un vaurien, pour valoir quelque chose ». C’est pourquoi, les adolescents ont tant besoin à la fois que l’on s’intéresse à eux (non pour les imiter ou les critiquer, mais pour reconnaître ce qu’il sont en train de vivre) et à la fois qu’on leur signifie l’interdit (les adultes qui refusent d’exercer leur autorité les abandonnent à la tyrannie de leurs besoins et de leurs contradictions). Pour autant, l’adolescence n’est pas synonyme de ces seules manifestations bruyantes et violentes qui s’expriment dans des conflits à répétition. Il faut rappeler que 87,5% des 11-15 ans se disent heureux. Gérard Dhôtel propose, en résumé, les attitudes les plus à même de répondre au défi de l’adolescence. Tout d’abord ne pas créer de problème là où il n’y en a pas. Ensuite, replonger dans sa propre jeunesse pour tenter de comprendre, par quoi passent les ados. Ne pas hésiter à exprimer son ressenti, non pour dénigrer mais pour donner le point de vue adulte. Être ferme quand il le faut. Enfin, savoir être présent, tout en restant discret. Conseils judicieux s’il en est qui sont certes nécessaires, mais pas toujours suffisants face à une classe d’âge qui nécessite souplesse et subtilité.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1011 ■ 23/03/2011