Avoir la rage. Du besoin de créer à l’envie de détruire

MARCELLI Daniel, Ed. Albin Michel, 2016, 291 p.

Autrefois, chacun avait devant lui un chemin tout tracé qu’il était contraint de suivre. Aujourd’hui, on nous fait croire qu’on peut choisir l’avenir que l’on veut. Sauf que les déterminismes sociaux restent à l’oeuvre, les embûches se multiplient et la pression de l’environnement continue à peser. La prise de conscience de la grande part d’illusion et de tromperie que comporte cette prétendue liberté peut provoquer chez l’adolescent un sentiment de rejet et d’impuissance. Et ce sont là les éléments constitutifs de cette rage psychologique définie par Daniel Marcelli comme « l’état d’une bouche avide désespérément avide » (p. 83). La frustration face à l’impossible réalisation de soi et l’immense vide existentiel qu’offre notre société peut s’enkyster dans le fantasme de destruction de soi et d’autrui. La rencontre avec un objet donnant sens à la rage (la dénonciation de la modernité accusée de tous les maux) fixe et entretient cet état. Il ne reste plus ensuite qu’à dissoudre le doute, à déployer la certitude et à installer la conviction pour répondre au besoin d’héroïsation et donner l’illusion d’un sens à la vie. Parmi les antidotes possibles à cette rage narcissique, il y a la sécurisation, l’estime de soi et l’empathie favorisés et développés dès le plus jeune âge et la canalisation de l’énergie et de la créativité vers des investissements de substitution.
 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1203 ■ 16/03/2017