L’adoption - Une aventure familiale

Sous la direction de Brigitte Camdessus, ESF, 1995, 238 p.

Brigitte Camdessus nous propose ici non pas un guide sur l’adoption mais plutôt un ouvrage de réflexion sur ses implications, auquel elle a convié un certain nombre de spécialistes confrontés régulièrement à cette réalité.
Expérience de familles adoptantes ou de service accompagnant les mères dans leur projet de don de leur enfant, rétrospective historique et juridique de la pratique adoptive, le sujet est abordé de façon à la fois théorique et concrète.
Trois contributions apportent un plus  à cet ouvrage.
La première est signée Patrick Poisson, thérapeute familial. Son interrogation s’intéresse aux modalités de recrutement des familles adoptantes. On demande aux intervenants psychosociaux d’anticiper l’avenir et d’évaluer les capacités d’un couple à accueillir dans les meilleures conditions un enfant. L’équilibre et la stabilité sociale sont bien sûr requises. Mais l’adaptabilité, la souplesse et la capacité à faire face le sont tout autant. Il y a quelque ambiguïté à vouloir se garantir de l’incertitude et pour ce faire, d’utiliser une démarche clinique initialement prévue pour rechercher et identifier des pathologies. Qui plus est l’inquisition face au désir d’enfant de ce couple n’est-elle pas stigmatisante, quand dans le même temps, des adultes féconds n’ont dans leur projet de compte à rendre à personne ? L’intention initiale est noble. Mais elle ne doit pas aboutir à une recherche de parents parfaits qui ne laisseraient que trop peu de place à l’enfant pour s’autonomiser du fait-même de leur manque d’imperfection!
Bernard Prieur rend compte quant à lui du traitement psychologique des enfants adoptés qui viennent consulter quand ils sont par trop confrontés à l’obsession de réussite de leurs parents. Ceux-ci trop occupés alors, à affirmer la filiation de leur enfant (en quoi il leur appartient bien) ont alors négligé tout le travail d’affiliation relationnelle et affective. L’intégration ne s’est pas faite, l’enfant n’arrivant pas à trouver sa place au sein du groupe familial.
Et c’est bien de cette affiliation dont parle R. Neuburger, psychiatre, quand il se réfère à la « greffe mythique ». Tant que l’enfant est vécu comme un moyen de satisfaire, gratifier ses parents ou leur permettre de remplir une mission, il n’est pas aimé pour lui-même, la greffe n’a pas pris. En outre, est-il important de bien distinguer en matière de filiation entre le mode d’entrée dans le groupe familial et la nature des liens de filiation. Il n’y a pas d’un côté un enfant engendré et de l’autre un enfant qui serait adopté. La famille humaine constitue avant tout un fait culturel. C’est pourquoi, il est préférable plutôt que de parler d’enfant adopté de dire qu’il est entré dans la famille par adoption. Nuance de termes non-négligeable d’autant plus quand la famille s’est le plus souvent constituée à partir de son venue.
Au total, on constate un certain décalage entre tout l’effort déployé pour la préparation engagée avant l’arrivée de l’enfant, et l’absence de tout véritable dispositif de soutien d’aide et d’accompagnement après. Ce n’est pas là l’une des moindres contradictions de l’adoption en France.
 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°361 ■ 11/07/1996