Face aux secrets de ses origines - Le droit d’accès au dossier des enfants abandonnés

Pierre Verdier et Martine Duboc, Dunod, 1996, 216 p.

Qu’on se le dise et qu’on se le répète: le temps d’une administration toute-puissante coupable de rétention systématique d’informations est révolu ! Les lois de 1978 & 1979 sont claires: tout individu a le droit de savoir ce que l’administration sait sur lui. Cette dernière est tenue de procéder à la communication matérielle (avec possibilité de copies -toutefois à la charge du consultant) de tout ce dont elle dispose le concernant. Seule restriction, les documents bénéficiant d’un secret protégé par la loi, telle la demande expresse des parents de confidentialité de l’état-civil lors de l’abandon d’un enfant. Le fonctionnaire n’est pas en droit de soumettre le demandeur à un quelconque examen de motivation sans se rendre coupable d’abus de pouvoir. Qui plus est, toute soustraction ou détournement de document constitue une infraction réprimée par le code pénal. Cette règle s’applique à toutes les administrations et établissements relevant de la fonction publique d’Etat et des Collectivités Territoriales. Mais sont aussi concernés les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public.

Pierre Verdier et Martine Duboc nous proposent ici un ouvrage consacré à cette question de l’accès aux dossiers qui tient au coeur de nombre d’adultes pris en charge quand ils étaient enfants par l’Aide Sociale à l’Enfance ou bien adoptés et qui aspirent souvent à connaître la « vérité » sur leur famille naturelle. Recherche de ses racines, volonté de se réapproprier son histoire, soif d’éclairer une partie de son existence ... les raisons sont diverses et les « révélations » parfois décevantes. L’ouvrage présente les résultats d’une recherche nationale à laquelle ont participé 69 départements sur l’organisation des modalités de consultation qui se sont mises en place progressivement depuis quelques années et sur le public de plus en plus important des consultants. Seconde partie, un bref historique du mode de gestion des dossiers par l’administration: du secret organisé jusqu’au droit de savoir. Puis vient un véritable « mode d’emploi » des démarches et recours.  Enfin, sont présentés les divers textes législatifs qui se sont succédés dans le temps.

En point d’orgue, la question lancinante qui brûle tout professionnel: faut-il tout révéler ? Une naissance issue d’un viol ? Des propos et appréciations jugeantes écrites à une époque où la loi prévoyait de les enfouir à jamais au fond des archives ?  Du point de vue du droit, rien n’autorise le moindre filtrage. Du point de vue psychologique, une médiation peut et doit être proposée afin que la prise de connaissance d’informations parfois difficiles à assimiler soit accompagnée et soutenue. Mais les consultants sont et restent libres de la façon dont ils veulent consulter leur dossier. Ils « sont, en effet, des citoyens qui exercent un droit, mais non des malades qui sollicitent une thérapie, ni des mineurs à assister » (p.107).

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°355 ■ 30/05/1996