Comment nous sommes devenus humains. Les origines de l’empathie

BLAFFER HRDY Sarah, Ed. L’instant Présent, 2016, 365 p.

Les capacités pro sociales permettant à l’espèce humaine de privilégier les activités collaboratives proviennent de son aptitude unique dans le monde du vivant à penser ce que les autres ressentent et à partager leur expérience. Les neurosciences démontrent que les mêmes régions du cerveau sont activées lorsqu’on aide autrui et quand on reçoit des récompenses. Mais, l’intersubjectivité n’est pas favorisée par le seul fonctionnement neuronal. Elle l’est aussi par la culture. Chez les mammifères, aucun attachement n’est plus puissant que celui qui relie le petit à sa mère. Cette relation est vitale pour le bébé. Le désir passionné de la femelle pour protéger son petit est produit par des réponses hormonales associées à la lactation et aux signaux visuels, auditifs, tactiles et affectifs émis par celui-ci. Mais ce qui distingue les mères humaines des autres mères primates et qui fait toute la différence, c’est la sollicitation d’alloparents pour partager les soins à l’enfant. Cette délégation éducative n’est possible que si la génitrice réussit à décrypter le degré de bienveillance de ses pairs. Réciproquement, les bébés déploient la même vigilance : passer de bras en bras les amène à scruter et à identifier sur des visages à chaque fois différents, les humeurs et les intentions de celle ou celui qui le porte et à susciter leur protection. La capacité d’empathie se trouve ainsi liée non seulement à des propensions héritables, mais tout autant aux expériences acquises tout au long de la croissance de l’enfant. La coopération dans l’éducation a donc entraîné des pressions sélectives favorisant les individus les plus doués pour décoder les états mentaux d’autrui. C’est ainsi que partager avec autrui se serait diffusé et généralisé à notre espèce.
 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1231/1233 ■ 04/07/2018