Et si nous laissions nos enfants respirer? Comprendre l’hyper parentalité pour mieux l’apprivoiser

HUMBEECK Bruno, Ed. Renaissance du livre, 2017, 236 p.

De l’enfant voulu à l’enfant programmé, la procréation est devenue un acte maîtrisé et volontaire, dicté par le libre choix. Si cette avancée est positive, elle confronte les parents à la responsabilisation du devenir de l’enfant et à leur culpabilisation s’il n’est pas radieux. De là, vient cette hyper parentalité décrite par Bruno Humbeeck, qui semblera familière à bien des lecteurs. Non, que l’auteur en fasse une nouvelle maladie ou une quelconque tare, encore moins une dérive. Juste une tendance lourde, parfois encombrante, à l’occasion perturbante qu’il propose d’identifier et de questionner pour mieux la circonscrire. La démonstration qui traverse tout son ouvrage est simple : toute pédagogie doit revendiquer avant tout d’être insuffisante, l’éducation étant une somme d’erreurs plus ou moins rattrapées. Ce qui est bien loin d’être le cas de ces hyper parents que l’auteur affuble de trois vocables singuliers. C’est d’abord le « parent-hélicoptère » exerçant un contrôle permanent sur tout ce qui concerne son enfant qui, il y a trente ans, pouvait vaquer à 30 kilomètres sans provoquer d’inquiétude particulière. Il y a 10 ans, cette zone de sécurité s’est réduite à 3 kms. Aujourd’hui, elle ne doit pas dépasser 300 m, au risque de déclencher l’angoisse parentale. Au symptôme de la surveillance et de la sécurisation de son bambin, succède la démarche du « parent drone », désignant cet aéronef capable non seulement de survoler un territoire, mais aussi de cibler un point précis. Identifier ce dont l’enfant a besoin pour rendre son développement optimal et le placer dans des conditions de vie idéale correspond bien à cette préoccupation : trouver la meilleure école, les jeux les plus éducatifs, le club sportif le plus performant. Troisième métaphore, le « parent-curling », du nom de ce sport où l’on déblaie la surface glacée devant laquelle glisse le palet, pour faciliter sa trajectoire. On retrouve là ces efforts pour éliminer les obstacles et lever les pièges afin de favoriser la réalisation de son enfant. Cet hyper parentalité présente l’inconvénient d’être épuisante, n’apportant que stress, angoisse et culpabilité. Pour en sortir, il faut réduire ses ambitions éducatives, accepter que la posture parentale soit fondamentalement imparfaite, s’autoriser à prendre le temps, à emprunter des chemins de traverse et faire preuve de modestie, quant à la réussite finale. Mais, tout autant, reconnaître à l’enfant le droit d’aller à son rythme, de se tromper, de commettre des erreurs et de tâtonner.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1223 ■ 22/02/2018