Derrière les maux, la vie

GEOFFRAY Bérénice, Fauves Editions, 2016, 195 p.

Derrière la maladie qui enferme dans le huis clos de la réclusion et une existence lapidée et dilapidée par le dénuement, la désespérance et l’accablement, une ultime exigence de dignité émerge. Ce qui s’affirme alors, c’est le besoin de recomposer une identité même précaire qui défie l’expérience de la défaite et retrouve une apparence d’autonomie, y compris dans la confrontation à la mort. C’est ce que nous démontre le travail d’écriture proposé par Bérénice Geoffray, journaliste et volontaire en service civique au sein de Cordia. Cette association accueille des personnes malades précaires, au sein d’appartements de coordination thérapeutique (ACT) et d’une maison d’accueil spécialisé. Et c’est justement la parole de ces patients, accompagnés par cette association qui a été recueillie et mise en forme, ici. Ils-elles sont neuf à nous livrer le récit de leur combat quotidien pour survivre au profond bouleversement et faire face à une maladie qui mobilise toutes leurs capacités psychiques, intellectuelles et corporelles. C’est Jolie, atteinte par une leucémie la contraignant à une surconsommation de médicaments et à une allogreffe qui va dans un premier temps la rendre encore plus malade, avant de la libérer au bout de longs mois d’épreuves. C’est Mme ZB, se découvrant séropositive, alors qu’elle accompagnait elle-même des malades du VIH. C’est Yaye, sage-femme comparant le statut du SIDA, de l’excision et de la maladie entre son pays d’origine, le Mali et son pays d’adoption. Ce sont le diabète insulinodépendant de Maxence, la toxicomanie de Karim ou de Diane, la rue vécue par Luc et Djucu. C’est Marc qui pensait ne survivre que six mois. Ce que nous vivons par procuration, c’est la singularité du parcours du combattant suivi par chacun(e), contraint de composer avec et contre ce mal qui le (la) ronge et qu’il lui faut apprivoiser pour continuer à mener une vie sociale.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1191 ■ 15/09/2016