Plus de Platon, moins de Prozac

Lou MARINOFF, éditions Michel Lafon, 2002, 390 p.

Pendant longtemps nos questions portant sur le sens et la morale trouvaient leurs réponses auprès des autorités traditionnelles. Celles-ci ayant vacillé, il peut être utile d’avoir recours aux paroles de sagesse qui ont triomphé de l’épreuve du temps. C’est ce que fit à l’origine la philosophie qui était avant tout un mode de vie et non une discipline académique. S’il était nécessaire de l’étudier, il fallait surtout la mettre en pratique. Fort de cette conviction, les USA ont vu se développer ces dernières années, une nouvelle forme de consultation thérapeutique : l’assistance philosophique. Une telle démarche intervient quand on se trouve en plein dilemme moral et qu’on a du mal à concilier sa conviction et sa raison. Elle ne vient pas concurrencer l’action d’un psychologue ou des soins d’ordre psychiatrique, affirme dans un premier temps l’auteur. Cela ne l’empêche pas d’égratigner ces disciplines en rappelant que s’il existait officiellement 112 troubles psychiques en 1952, on en a répertorié 374 en 1994. A l’image de l’hyperactivité qui touchait un demi-million d’enfants, juste avant que cette affection ne rentre, en 1987, dans le manuel de classification de l’association psychiatrique américaine, et qui a atteint 5,2 millions d’entre eux dix ans plus tard ! Jusqu’où ira cette manie d’affubler quelqu’un d’un trouble ou d’un symptôme au prétexte qu’il traverse des difficultés d’ordre émotif, intellectuel ou psychologique ? Vous avez l’habitude de tambouriner des doigts sur votre bureau ? C’est sûrement parce que vous souffrez d’un trouble de la percussion digitale ! Une dépression peut venir d’un dysfonctionnement du cerveau ou d’une origine génétique (un médicament peut alors soulager), mais aussi d’un traumatisme de l’enfance (une thérapie est alors pertinente). Si elle provient d’un événement précis, la consultation philosophique peut être utile. Elle consistera surtout à échanger des idées. Cette démarche ne propose pas une expertise mais s’inspire de la démarche socratique : aider à se poser des questions qui soient profitables, clarifier ses idées sur les principaux défis de sa vie et organiser les principes auxquels on croit de façon à pouvoir les mettre en action. Et comment ne pas découvrir une implication directe dans notre vie quotidienne d’un Kant nous invitant à traiter les autres comme une fin en soi et non comme une fin qui justifie les moyens, d’un Sartre affirmant que « l’homme n’a d’autre destin que celui qu’il se forge » ou d’un Aristote expliquant que « le feu brûle en Grèce comme en Perse, mais les notions de bien et de mal varient d’un endroit à l’autre ». L’auteur nous propose tout au long de ses presque 400 pages de mettre en pratique sa méthode baptisée PEACE, acronyme de Problème posé/ mis en Emotion/ Analyse /Contemplation et recherche d’Equilibre. Tout un programme que le lecteur intrigué ira découvrir de lui-même.

 

Jacques Trémintin – Non paru  ■ oct 2002