Les visiteurs du soi - A quoi servent les psys ?

Jean Cottraux, Odile Jacob, 2004, 347 p.

Jamais notre société n’a été aussi pessimiste, faisant de l’appel aux psys un réflexe. On les consulte pour tout : les événements graves, mais aussi des moments de la vie courante qui étaient naguère bien plus tolérés. En se déchargeant de tous ses maux sur cette discipline, la collectivité fait l’économie d’un examen critique de ses fins et de ses moyens. Car, si l’on sait que les décompensations psychiques sont dues pour moitié à des facteurs génétiques, les autres éléments déclenchant relèvent de l’histoire individuelle de la personne, mais aussi des événements récents qu’elle a traversés. Surconsommation de psychotropes, 1,2 millions de français suivis pour des troubles psychiques, une demande décuplée de psychothérapies... qu’est-ce qui ne va donc plus ? « Au monde fixé où Dieu, les hommes et les lois qui les dirigent étaient à leur place, se substitue un espace flou où chacun a l’impression d’être à la fois libre et sans limites, tout en étant manipulé par des forces qui le dépassent » (p.23). Pourtant, l’intervention d’un psy n’est pas forcément la démarche la plus pertinente, comme l’a montré une recherche anglaise sur le débriefing. Cette technique de crise consiste à réactiver les émotions suite à un traumatisme violent, afin de mieux les canaliser. Il a été démontré que le stress post traumatique était plus fréquent chez les sujets qui avaient bénéficié de cette intervention ! Mieux valait une stabilisation de l’environnement et une dédramatisation qui favorise l’évacuation naturelle du stress déjà présente dans 80% des cas. Ce qui se pose donc, face aux 210 formes actuelles de psychothérapies différentes, c’est de vérifier dans quelle mesure elles apportent plus de bien que de mal. C’est l’un des axes de l’ouvrage de Jean Cottraux qui présente un tableau assez précis de la galaxie psychothérapeutique. L’auteur n’est pas très gentil avec la psychanalyse à qui il reconnaît toutefois d’avoir joué un rôle non négligeable dans le tout pharmaceutique, mais qu’il accuse de s’être figée dans un dogmatisme étroit et sectaire. A cette méthode longue et coûteuse qui ne vise pas tant à la guérison qu’à la recherche de soi, il oppose les approches comportementalistes et cognitivistes qui ont bien plus ses préférences. Il les affuble d’emblée d’une meilleure note : mieux validées et plus faciles à appliquer cliniquement. Mais ils présentent aussi les thérapies interpersonnelles qui, s’inspirant des trois premières, se proposent d’agir exclusivement sur les relations entre les personnes. Un chapitre consacré aux thérapies humanistes (gestalt, analyse transactionnelle, non-directivité de Rogers, cri primal, bioénergie, systémie) termine ce tour d’horizon. Revendiquant le libre choix du patient, l’auteur rappelle malgré tout, avec pertinence, que « la vie est une chose trop sérieuse pour la laisser longtemps entre les maison d’un psychothérapeute » (p.285)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°721 ■ 16/09/2004