Les larmes de Charlie… et Cie

FIZE Michel, Ed. L.G.O., 2017, 67 p.

Après chaque évènement médiatique fort, le corps social plonge dans une véritable transe émotionnelle, répercutée par des media grands prescripteurs de ce qu’il faut ressentir. Tout semble bon pour produire cette véritable spectacularisation du tragique, une émotion sur le point de disparaître étant déjà remplacée par la suivante. La communion qui s’empare de l’opinion publique remplace la réflexion par la bien-pensance, fait primer le sentiment sur l’évènement qui est sensé le déclencher, substitue l’animal raisonnable chez l’être humain, par l’animal affectif. Comment expliquer cette débauche de sensations ? Michel Fize propose trois pistes. Cet émoi collectif serait le signe d’une crise d’identité, d’un sentiment aigu d’inappartenance et de vide que viendraient combler ces moments d’exaltation intense venant souder la communauté. Deuxième explication possible : notre société post-moderne nous incite à libérer nos émotions, au lieu de les maîtriser comme nous y incitait la tradition. Enfin, troisième hypothèse, l’émotionnalisme constituerait l’expression de l’individualisme et de l’hypertrophie de l’ego, résultat du glissement progressif de l’intimité vers le domaine public. L’auteur en appelle à sortir de cet exhibitionnisme émotionnel en donnant leur juste place à la sensibilité et à l’altruisme, mais en rappelant que le deuil relève d’une intimité qui n’a pas à se mettre en scène publiquement.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1222 ■ 08/02/2018