SDAPP - Arras (62)

Accompagner les accompagnateurs

On ne peut passer tout son temps à accueillir toute la misère du monde, en restant indifférent et imperturbable. Pourtant, il est bien rare que les travailleurs sociaux puissent parler librement de leurs angoisses et leur stress. C’est ce que propose le service départemental d’accompagnement professionnel personnalisé. SDAPP, mode d’emploi.
 
Le Pas de Calais : un département d’1,45 million d’habitants, au cinquième rang pour la densité de ses habitants, au premier pour leur jeunesse. Quelques grandes villes, mais un territoire surtout rural. Un chômage supérieur de trois points à la moyenne française, 50.000 allocataires du RMI, 5.000 mineurs bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance. C’est un département pauvre en ressources financières. Pour une taille équivalente à celle des Hauts de Seine, son Conseil général dispose de moitié moins de personnels. Si nous avons décidé de présenter ce département, ce n’est pas pour faire la  promotion du Beffroi d’Arras, pourtant patrimoine mondial, ou pour ses plages qui, paraît-il, sont très belles. Non, si nous avons décidé d’emmener aujourd’hui le lecteur au pays des chtis, c’est pour évoquer le dispositif exceptionnel que le Pôle Solidarité du Conseil général vient de créer en son sein: le Service départemental d’accompagnement professionnel personnalisé. A l’origine du S.D.A.P.P., on trouve la négociation autour de l’aménagement et la réduction du temps de travail. Les pourparlers qui se déroulent en 2000, entre l’administration et les syndicats sont l’occasion de réfléchir sur les missions, les effectifs, l’organisation du travail, la finalité étant l’amélioration du service public et de la qualité des prestations rendues aux usagers. Très vite, il apparaît que pour mieux travailler, il faut au préalable se sentir bien dans son poste. Emergent les plaintes récurrentes des professionnels quant à la souffrance au travail. L’administration décide donc de se pencher sur cette fatigue lancinante qui provoque la démotivation, le découragement, le sentiment d’incompétence qui se traduisent dans le social par une tendance à la déshumanisation, à des attitudes dures et négatives vis-à-vis des usagers, à une diminution de l’accomplissement personnel. Entre 2000 et 2003, un groupe de travail se réunit avec des professionnels du service social, du service socio-éducatif et de la PMI. Il en ressort un certain nombre de besoins : si le conseil et le soutien technique apparaissent aussi indispensables que la résolution des dysfonctionnements institutionnels, deux demandes sont tout autant prégnantes. C’est d’abord la reconnaissance et la valorisation des compétences mises en œuvre. C’est ensuite la possibilité de pouvoir s’exprimer sur son vécu individuel et de communiquer les répercussions personnelles de son travail. La mise en place d’un service permanent pour répondre à ces demandes se justifie pleinement. En juin 2004, Annie Fruchart est nommée chef de service avec pour mission de construire les modalités d’un tel service, d’élaborer les fiches de poste et de recruter quatre Conseillères en accompagnement professionnel et une secrétaire. Elle s’atèle à la tâche, définissant avec un groupe de professionnels les compétences requises. Elle entreprend la sélection des quarante candidatures qui sont parvenues. L’équipe prend ses fonctions en septembre 2005. Les toutes nouvelles Conseillères en accompagnement professionnel se répartissent en quatre secteurs géographiques et se rendent dans les neuf territoires pour présenter leur action. Leur nouveau service va se déployer dans trois directions : l’organisation de l’accueil des nouveaux arrivants, une écoute individuelle et l’animation de groupes d’expression.
 

Accueillir les nouveaux agents

Commençons par l’accueil des nouveaux professionnels. Ce qui pourrait apparaître au lecteur, comme une évidence l’est beaucoup moins sur le terrain. On pourrait en effet imaginer qu’au sein des collectivités publiques, l’organisation de l’accueil des professionnels nouvellement recrutés soit une pratique banale. Dans les faits, il n’en est rien. La plupart du temps, mises à part une présentation rapide des caractéristiques du poste et une passation toute aussi expéditive des situations en cours de suivi, rien n’est vraiment aménagé pour accompagner le nouveau venu. Le diplôme obtenu et l’expérience acquise semblent suffire pour intégrer la place et ce n’est pas le professionnel qui arrive qui va affirmer le contraire, de crainte de voir peser sur ses compétences supposées quelques soupçons. L’institution compte sur l’équipe pour l’épauler et le soutenir. C’est sans compter sur la charge de travail qui ne permet pas toujours d’être disponible. Alors, on se débrouille tout(e) seul(e). Après tout, comme cela s’est toujours déroulé ainsi et que chacun a du faire avec, il n’y a pas de raisons pour que cela change. C’est justement pour que cette tradition déplorable ne se perpétue pas que le SDAPP propose un dispositif tout à fait innovant. Au-delà des classiques réunions de présentation institutionnelle qui se pratiquent le plus souvent et que l’on retrouve dans le Pas-de-Calais tant au niveau de la direction des ressources humaines du Conseil général, que du pôle de la solidarité ou des territoires il a instauré un système de tutorat. Une conseillère en accompagnement professionnel rencontre le nouvel arrivant en compagnie du professionnel expérimenté qui a accepté de servir de tuteur. C’est l’occasion d’engager une présentation dynamique et concrète du poste et de ses contraintes. Le tuteur reste positionné comme personne ressource durant une période de six mois, disponible et prêt à être interpellé par le nouveau professionnel. Les modalités et le rythme des contacts sont laissés à l’appréciation du binôme. Un mois avant la fin de l’échéance, un bilan est réalisé en présence du chef de service, une prolongation pouvant être alors décidée, si nécessaire. L’instauration par l’institution de ce tutorat marque un vrai souci d’accueillir les nouveaux agents et d’accompagner leur adaptation progressive à leur nouveau poste, préoccupation qui devrait aller sans dire. Mais c’est encore mieux en le faisant.
 

L’écoute individuelle et collective

Le SDAPP propose ensuite à tout professionnel qui le désire une écoute individualisée. Les modalités adoptées le sont à la convenance de la personne concernée. Le principe qui y préside et qui a été validé par l’institution est la confidentialité. La demande est adressée directement au secrétariat du SDAPP. Si la hiérarchie n’a pas à donner son autorisation préalable, elle n’est pas plus informée de la tenue de ces rencontres, encore moins de ce qui s’y déroule. Le contenu des échanges appartient au professionnel qui sollicite et au conseiller d’accompagnement professionnel qui le reçoit. Poussant très loin les précautions et les garanties proposées, Annie Fruchart a pris soin non seulement d’installer les locaux du SDAPP à l’écart des autres services du Pôle Solidarité, mais de faire établir une ligne téléphonique directe qui ne passe pas par le standard. Ainsi, tout agent peut entrer en relation avec le service sans être identifié par ses collègues ou son encadrement. Avec la discrétion, un autre principe est privilégié : la réactivité. Les rendez-vous proposés le sont dans des délais rapides, un contact immédiat pouvant toujours être possible, en cas d’urgence. Outre les entretiens d’écoute ainsi proposés, le SDAPP organise des groupes d’expression. Le terme « groupe de parole » a été écarté pour éviter la dimension exclusivement psychothérapeutique. Ce sont des « espaces transitionnels » où la parole peut se libérer avec d’autant plus de sécurité que là aussi la discrétion est garantie, chaque participant s’engageant dès la première heure sur une charte conçue en commun qui pose comme règle la confidentialité, le respect de l’expression et de l’émotion de chacun, l’assiduité, la ponctualité, le non jugement etc … L’animation est assurée par une conseillère et un psychologue extérieur à l’institution. Chacun, en même temps qu’il accepte de respecter ces règles minimales, s’engage à rester dans le groupe sur une durée de dix mois à raison d’une demi-journée par mois. Le groupe constitué de douze participants maximum choisit librement le sujet de sa réflexion. Cela peut être l’un des thèmes proposés initialement. Mais cela peut tout autant être ce qui est souhaité au moment où le groupe se réunit. Chacun arrivant avec ce qu’il a vécu récemment, ce peut tout autant être ce qui va être abordé. Ce qu’on y traite, c’est bien l’ici et le maintenant. L’important n’est pas tant le thème choisi que ce qu’il permet de libérer en terme de vécu et d’émotion. Le climat de confiance réciproque qui s’établit très vite permet que s’exprime ce qui n’a jamais pu se dire. Chacun accepte de se livrer : on peut oser dire ses limites et oser pleurer. On est là, avant tout, pour parler de soi. Pourtant, on nous l’a souvent dit sur tous les tons, tant en formation initiale, que dans nos institutions. Un bon professionnel est celui qui sait mettre de la distance, celui qui évite d’être dans l’émotionnel, celui qui s’implique avant tout comme technicien de la relation. Dès lors, faire état de ses fragilités et de ses sentiments ne peut que nous faire apparaître comme louche, peu fiable, vulnérable. Après tout, ce qui distingue les bonnes dames d’œuvre, la charité et le bénévolat des travailleurs sociaux, c’est bien sûr le diplôme, le salaire, mais aussi cette capacité à faire face au malheur du monde, sans faillir, ni être déstabilisé. Et voilà que le SDAPP viole le tabou, affirmant que non seulement on peut être professionnel et avoir des états d’âme, mais que l’institution employeuse a pour responsabilité de les prendre en charge. Pire, il offre des lieux tant individuels que collectifs où l’on peut parler de soi, de ce que nous a fait telle ou telle confrontation avec un usager ou une situation particulièrement éprouvante. Une révolution ! Rien d’étonnant que la première réaction des professionnels ait été la méfiance. On n’abaisse pas impunément ainsi sa garde. Se mettre à découvert, c’est prendre le risque de prendre une flèche qu’on n’attendait pas. Et puis, les premiers qui s’y sont risqués en sont revenus enchantés et conquis. L’idée fait son chemin et pourrait bien séduire petit à petit les sceptiques, tant l’effet qu’on peut en attendre peut être gratifiant et rassurant. Au cours de l’année 2006, une centaine d’agents ont sollicité le SDAPP (sur un total de 1.363) au cours de 250 entretiens. Mais, la montée en charge fait que le rythme des sollicitations a été multiplié par trois. Huit groupes d’expression ont fonctionné, trois autres devant débuter au premier trimestre 2007 (dont un s’adressant spécifiquement aux chefs de service).

N’hésitons pas à le dire : s’il y a bien une qualité que l’on peut reconnaître au secteur socio-éducatif et médico-social, c’est sa haute capacité à prendre en charge d’une façon particulièrement efficace et compétente la souffrance ou les difficultés des usagers, des familles ou des groupes et de les accompagner vers un mieux-être. Mais, s’il est bien un paradoxe qui lui colle à la peau, c’est son invraisemblable incapacité à prendre en charge la souffrance et les difficultés de ses propres salariés. Le Conseil général du Pas-de-Calais et son Pôle Solidarité démontrent, au travers du Service départemental d’accompagnement professionnel personnalisé, que ce n’est plus tout à fait vrai. « Croissez et multipliez » est un concept communément considéré comme suranné. On ne peut que souhaiter qu’il s’applique à ce type de service que la multitude de collectivités locales et associations du secteur auraient avantage à imiter.

Contact : Service Départemental d’Accompagnement Professionnel Personnalisé rue Ferdinand Buisson 62 000 Arras Tel. : 03 21 21 64 20  Email fruchart.annie@cg62.fr 
 

Conseiller en accompagnement professionnel

Le métier de conseiller en accompagnement professionnel n’existe pas. Il vient d’être créé par le Pôle Solidarité du Conseil général du Pas-de-Calais. Les pré requis sont exigeants : pertinence et maturité professionnelle, qualités d’écoute et d’analyse, dispositions à l’animation de groupe, aptitudes au soutien moral et psychologique, mais aussi capacités à faire face émotionnellement et à maîtriser des situations de stress, expérience dans le traitement des situations complexes. Pour autant, une formation complémentaire s’avère nécessaire pour renforcer les compétences et se doter d’outils nouveaux. La prise de fonction au SDAPP s’est accompagnée de plusieurs cycles de formation continue. Au programme : techniques d’animation de groupe, sensibilisation aux différentes méthodologies de traitement de situations complexes (analyse transactionnelle, programmation neurolinguistique, approche systémique, médiation), apprentissage de la gestion du stress et du débriefing psychologique. Reste à concevoir un dispositif de supervision qui reste à construire. Car celles qui aident les aidants ont besoin elles aussi d’être aidées. Le comble serait que les accompagnatrices des professionnels ne bénéficient pas à leur tour d’un accompagnement.
 

Supervision et travail social

La supervision en travail social date des années des années 1970. Cette pratique peut se faire individuellement, en petit groupe ou en équipe. Son but vise à améliorer les compétences professionnelles, en aidant à analyser les situations professionnelles et à prendre du recul à leur égard. Un certain nombre d’associations proposent ce type d’intervention, en sollicitant des psychiatres ou des thérapeutes qui rencontrent régulièrement les équipes ou les professionnels individuellement, le plus souvent, en dehors de l’encadrement hiérarchique. Il s’agit de « groupes de parole », de « groupe d’analyse de la pratique », « groupe de suivi », « groupe de pratique professionnelle » etc… les intitulés pouvant changer. Pour autant, ces pratiques sont loin d’être généralisées. A une époque où l’on multiplie l’intervention des psychologues, en cas de stress ou de traumatismes, lors des catastrophes naturelles ou d’intervention particulièrement éprouvantes, par les méthodes de débriefing ou de prise en charge d’urgence, les travailleurs sociaux ne bénéficient que rarement de ce genre d’attention.
 

Gestion pyramidale ou participative des personnels ?

Les coûts des colonies de vacances sont trop élevés ? La direction du service socio-éducatif propose aux travailleurs sociaux de s’associer à l’élaboration du cahier des charges avant l’appel d’offre soumis aux prestataires. La réaction est mitigée, beaucoup d’intervenants ne souhaitant pas entrer dans cette logique de rationalisation des choix budgétaires. Mais la proposition leur a été faite. Une entité territoriale veut lancer une opération de formation en direction des professionnels ? Ces derniers sont associés, à partir des besoins qu’ils expriment pour élaborer le cahier des charges qui sera soumis aux organismes de formation. Un projet d’informatisation du service social est envisagé : le Système d’Information Sociale ? Un débat est engagé autour de la question avec les professionnels. Un comité d’éthique est constitué. Il est composé de techniciens, de représentants syndicaux, d’usagers et de juristes. En sortira une charte qui vient d’être validée par les élus. Cette charte servira de base à toutes les conventions partenariales passées par le Conseil général. Ces quelques exemples d’initiatives du Pôle Solidarité illustrent ce que peut donner une gestion participative des personnels. En accordant du pouvoir aux agents, en leur permettant de contribuer aux prises de décisions, en encourageant leurs prises d’initiative, la vie institutionnelle s’en trouve potentiellement dynamisée. Ces pratiques s’opposent de front à la conception pyramidale traditionnelle encore largement dominante au sein des fonctions publiques qu’elle soient hospitalière, d’Etat ou celle des collectivités locales : y domine encore la vision d’une opposition entre les cadres A sont sensés penser et les cadres B, C & D destinés à ne faire qu’exécuter. Cette pratique basée sur une stricte et mécanique hiérarchisation des relations et des responsabilités creuse considérablement le fossé entre les décideurs et les intervenants de terrain. C’est un facteur qui joue sans doute un rôle essentiel dans l’absence de prise de conscience de la souffrance au travail et sa prise en charge.
 

Comment le SDAPP est perçu par des professionnels

Nous avons rencontré un groupe de professionnels avec lesquels nous avons pu dialoguer librement, hors présence des conseillères du SDAPP. Ce n’est là qu’un échantillon qui n’a aucune valeur représentative mais qui a néanmoins des choses à dire. Sur le vif.
 
Comment ces professionnels ont-ils perçu la volonté de l’administration de répondre aux besoins d’accompagnement ? « On a le sentiment d’avoir été entendue, même si c’est en décalé. L’institution semble avoir pris conscience de l’essoufflement des travailleurs sociaux » nous dit d’emblée l’assistante sociale de secteur. « On sent la volonté du Conseil général d’associer les agents au changement » confirme la chef de service éducatif. « C’est l’ambiance générale qui a changé : il y a des gens qui ont envie que ça bouge » constate la coordinatrice de site. Déclinant les différentes missions du SDAPP, nous abordons d’abord le tutorat. « La création du tutorat a répondu aux besoins de professionnels » affirme l’assistante sociale. « Auparavant, on était lâché sur le terrain sans grand accompagnement. On pouvait toujours solliciter les collègues. Mais quand on était confronté à des gens débordés, on n’osait pas aller vers eux. Le tutorat est un dispositif souple qui offre une aide sans la rendre contraignante. » (Chef de service social). « Je suis passée d’un poste sur le terrain à une fonction de chef de service, du vendredi soir au lundi matin. Bien que j’ai postulé pour ce poste, je n’étais pas vraiment préparée. Je me sentais nulle et incapable. Le tutorat dont j’ai bénéficié m’a beaucoup aidé. » (chef se service éducatif) Est-il facile de reconnaître ses fragilités et de les avouer publiquement ? Nous postulons que non. Les réponses confirment notre hypothèse : « on a l’habitude de se blinder et de se considérer comme indestructible » explique la coordinatrice de site. « On pense qu’on va y arriver toute seule, qu’on va réussir à remonter la pente » renchérit la puéricultrice. « J’ai étonné mon équipe quand je lui ai expliqué avoir été moi même utilisatrice du SDAPP » avoue la chef de service éducatif. « C’est pourtant tellement évident qu’un professionnel qui prétend tenir tout le temps n’est pas un bon professionnel » conclue la chef de service social. Le constat est donc clair : il n’est pas dans la coutume d’avouer ses difficultés. Et quand, finalement, un travailleur social vient à craquer, les collègues ne semblent pas les mieux placés pour l’aider : « On est formé à l’écoute, mais c’est difficile d’écouter une collègue. Il faut, pour y arriver, être plus distanciée » explique l’assistante sociale de secteur. « On se croit bien placée pour aider quelqu’un de proche. Nos attaches affectives permettent certes d’écouter mais pas de faire réfléchir et de faire travailler sur sa problématique » confirme la chef de service social. Se pose dès lors la question de savoir si l’écoute individuelle proposée par le SDAPP est efficace aux yeux des professionnelles. La chef de service éducatif est enthousiaste : « j’ai sollicité un soutien individuel. Cela a représenté pour moi un espace salvateur et porteur. Je ne voulais pas d’un maternage, d’une empathie ou d’un cocooning, mais d’une aide au cheminement. Quand je suis rentrée dans le bureau de la conseillère, elle a commencé par poser le paquet de kleenex sur le bureau. Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est la qualité de l’accueil que j’ai reçu. Cela a rejailli sur ma propre façon d’accueillir. La routine et la charge de travail peuvent peser sur notre façon de faire. Avoir été usager d’une relation d’aide peut aider à se remettre en cause. » Prudente, la secrétaire a fini pas se laisser tenter : « au départ, on ne voyait pas ce que cela pouvait nous apporter. Puis, je me suis rendu compte qu’on ne sait pas toujours où et comment déposer  l’agressivité qu’on reçoit parfois. Je me suis décidée à prendre contact. » L’assistante sociale de secteur en a parlé autour d’elle, avant de venir à la rencontre : « pour les uns, la réponse apportée a permis de cheminer. Pour d’autres, elle n’a pas convenu. Pour d’autres encore, le SDAPP sollicité n’a pas donné suite, considérant que ce n’était pas de sa compétence. »  Que peuvent-ils dire des groupes d’expression ? La puéricultrice nous parle longuement de ce qu’elle y vit actuellement : « au début, il y avait beaucoup de méfiance. Nous avons eu des échanges houleux par rapport aux comptes-rendus que la conseillère nous proposait de rédiger. On voulait savoir à qui ils seraient diffusés. Les premières séances ont été envahies par la plainte. On avait peur qu’on s’y enferme. Bien sûr, cela faisait du bien de se déverser. Mais, on sortait de la séance plus déprimée qu’on y était entrée. Puis, cela a évolué. Aujourd’hui, les échanges ont gagné en sérénité. Il arrive que des situations très dures soient évoquées. Mais la confiance qui a pu s’établir au sein du groupe permet de nous soutenir mutuellement. » Cette évolution positive est confirmée par la chef de service éducatif : « un agent a voulu me parler de la façon dont elle vivait ce groupe d’expression. Je lui ai dit qu’elle n’était pas obligée de le faire. Elle a insisté. Elle m’a expliqué qu’après les premières séances, elle a voulu se casser. Aujourd’hui, elle en est à la septième séance : elle appréhende surtout quand ça va s’arrêter. » Comment nos professionnelles voient-elles l’avenir du SDAPP ? « Il faut que ce service fasse ses preuves. Il est en train de naître » affirme l’assistante sociale de secteur. La coordinatrice de site répond sur le même ton : « Le SDAPP doit construire sa crédibilité, en tenant compte des peurs et des résistances. » Informer et convaincre reste encore et encore nécessaire pour l’infirmière : « tous les chefs de service n’ont pas compris l’utilité du SDAPP. »

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°833 ■ 22/03/2007