GEPSO

S’il est inévitable, le décloisonnement sera progressif

Le rapprochement entre protection de l’enfance et handicap impacte aussi les associations professionnelles. Mais, si le mouvement est lancé, il faudra du temps pour faire évoluer les pratiques et promouvoir une culture commune.

Créé en 1982, le Groupement national des Établissements Publics Sociaux et Médico-sociaux (GEPSo) regroupe des établissements et services appartenant non au monde associatif mais relevant de la fonction publique. Reflet des préoccupations de ses membres, cette association a connu, ces dernières années, des adaptations au cœur des mutations en cours. Pendant des années, deux commissions travaillaient sans jamais se rejoindre : d’un côté la commission enfance et de l’autre la commission enfance-handicap. Virginie Girardot directrice d'établissement social au Conseil Général du Bas-Rhin et membre de la commission Enfance explique le cheminement qui les a fait finalement, se rejoindre : « nous avions l’habitude d’échanger les réalités de terrain entre participants provenant d'une dizaine de régions. Au-delà des particularités locales, une constante nous a surpris : des enfants placés tardivement ayant pour beaucoup des courbes de développement proches de celles que l’on retrouve dans les pays en voie de développement et se transformant à terme en handicap. » Intriguée par cette même réalité partagée, la commission enfance décide alors de tenter de l’objectiver, en adressant un questionnaire aux établissements adhérents. Sur les 90 réponses reçues, toutes allaient dans le même sens. Ne voulant pas se contenter de ces premiers résultats, la commission enfance se tourne alors vers le docteur Rousseau pédopsychiatre qui avait lui-même mené une étude longitudinale des enfants confiés au foyer départemental de l’enfance du Maine et Loir. Avec des conclusions sans appel : les négligences répétées dans la petite enfance constituent la première cause non seulement de mortalité infantile, mais aussi de handicap. Un projet de recherche-action fut alors lancé,  pour vérifier les résultats du docteur Rousseau, à travers une vaste étude épidémiologique. Très vite, une vingtaine d’établissements s’impliquèrent. « A ce stade de nos réflexions, il nous est alors apparu évident que nous devions nous tourner vers la commission enfance-handicap. Nous étions confrontés à un même public, mais avec des facettes différentes », continue Virginie Girardot. Ce n’est qu’à ce moment-là que les membres de la commission- enfance apprennent que leurs collègues centrés sur le handicap avaient, de leur côté, élaboré un cahier des charges d’une formation à destination des professionnels du médico-social en difficultés face aux parents en situation d’inadaptation sociale. Les deux groupes de travail avaient, parallèlement, même si c’est avec des modalités distinctes (la recherche action pour l’un, la formation de professionnels pour l’autre), tendu vers le même objectif : répondre au véritable enjeu de prévention que constitue une intervention précoce permettant à l’enfant de reprendre son développement ralenti un temps par l’inadéquation éducative de ses parents. Les deux commissions se rencontrèrent fin 2015. Leur collaboration s’avèrera fructueuse, puisqu’elle se traduisit par l’élaboration d’un référentiel de formation commune aux professionnels de la protection de l’enfance et de l’enfance en situation de handicap, ayant pour vocation d’être décliné localement. Une journée technique sera aussi organisée, le 2 décembre 2016, afin de valoriser le rapprochement des deux secteurs, mais aussi et surtout de présenter des expériences de terrain ayant mis en œuvre avec succès cette ambition. Même si le recul n’est pas forcément suffisant aujourd’hui pour donner toutes les raisons du rapprochement entre les deux secteurs, il est toujours possible d’avancer quelques hypothèses. Ce que fait bien volontiers Virginie Girardot. Les causes sont multifactorielles, avance-t-elle d’emblée. « Il y a d’abord les mutations qui impactent le secteur de la santé ou du médico-social, se concrétisant par la fermeture de lits d’hôpitaux et de places d’internat. Une partie du public auquel nous sommes confrontés aujourd’hui en protection de l’enfance, était auparavant pris en charge. » Et puis, il y a le mouvement de balancier marqué par ces placements trop rapides d’autrefois, intervenant trop tardivement aujourd’hui. « Le résultat de la volonté de maintenir à tout prix le lien avec les parents, ce sont des enfants beaucoup plus abîmés et souffrant plus souvent de handicap », complète-elle. Enfin, il y a sans doute la solitude de certaines familles déjà fragilisées qui ne savent comment réagir face aux manifestations précoces de déficiences qui auraient pu être passagères et récupérables et qui se transforment, par négligence et manque de soins, en handicap définitif. Autant de facteurs venant, sans doute, pérenniser une collaboration qui se fera à l’avenir de plus en plus étroite.

 

Le GEPSO regroupe, à ce jour, 650 établissements et services sociaux et médico-sociaux représentant 34.338 places. Ce qui représente 60 % du secteur public social et médico-social (hors EHPAD).

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1217 ■ 16/11/2017