Mal-être à l’adolescence: comment les MDA y répondent :

Quel animateur ne se s’est-il pas trouvé un jour confronté à un jeune en détresse qu’il n’a pas su comment aider ? Dans chaque département, il existe, une Maison des adolescents, pôle ressource fécond et pratique, susceptible d’être sollicitée.

Il est 13h00. La maison des adolescents de Nantes vient juste d’ouvrir. Sonia entre la première. C’est l’assistante sociale de son lycée qui lui a conseillé de s’y rendre. Elle a des idées noires, se scarifie et est parfois envahie par des envies suicidaires. Elle est aussitôt reçue par un accompagnant social. Elle ne connaît pas sa profession. Sous cette appellation neutre, ce peut être un éducateur spécialisé, un assistant de service social ou un infirmier. Le choix a été fait de ne pas induire chez les adolescents une orientation dans l’accompagnement qui leur est proposé. Fabrice qui échange avec Sonia pendant une heure, va prendre le temps de l’écouter et de l’aider à formuler ses difficultés, sans jugement ni stigmatisation. Il lui explique qu’il va présenter sa situation à un groupe qui se réunit toutes les semaines. Il convient avec elle d’un nouveau rendez-vous dix jours plus tard, pour lui présenter ce que l’on peut lui proposer. Luigi qu’il accueille ensuite vient d’un quartier stigmatisé de l’agglomération. Il est en conflit avec ses parents qui menacent de le mettre à la porte. Âgé de 19 ans, il n’a ni travail, ni qualification, ayant quitté l’école très tôt. C’est un copain qui lui a conseillé de venir. Puis, ce sera au tour des parents de Medhi, venus sans leur fils. Ils sont totalement désemparés face à sa toxicomanie. Ils ont essayé de l’aider. Mais, la drogue a été jusqu’à présent la plus forte. Suivront Ema, Ahmed et Rudi, chacun avec ses problèmes, chacun avec sa demande d’aide. 

 

Apporter une réponse

Quelques jours plus tard, Fabrice présente toutes ces situations en réunion clinique. Y participent des intervenants spécialisés issus de l’Éducation nationale, des services de pédopsychiatrie et d’addictologie. Chaque cas particulier est soigneusement étudié et des propositions concrètes sont élaborées. Un projet d’accompagnement individualisé est conçu qui sera soumis à chacun des jeunes, peu de temps après. Outre les accompagnants sociaux, l’équipe de la MDA est composée de psychologues, de psychiatres, d’un pédiatre, d’une enseignante spécialisée, d’animatrices et même d’avocats tenant des permanences d’orientation et de conseils juridiques. Il est donc possible qu’elle puisse répondre à certaines demandes. Mais, elle n’a pas l’ambition de tout traiter en interne. Elle propose une porte d’entrée libre, anonyme, gratuite et accessible que l’on peut franchir quand on décide de le faire. Mais, que l’on soit adolescent ou parent, on ne doit plus être renvoyé d’un interlocuteur à un autre. L’objectif de la MDA est avant tout de coordonner le parcours de chacun, en balisant les étapes à franchir et en fournissant les coordonnées des professionnels à même de répondre au mieux aux problématiques rencontrées. Ce descriptif propre à l’une des 101 maisons des adolescents existantes dans l’hexagone ne correspond à aucun « modèle déposé », chaque structure s’étant constituée d’une manière à chaque fois spécifique et originale. 

 

Une initiative couronnée de succès

« Toutes les MDA se sont créées sur le même principe : il ne s’agissait pas de se substituer à l’existant, mais au contraire de partir de ce qui fonctionnait déjà sur un territoire donné. C’est pourquoi, aucune d’entre elles ne s’est construite de la même manière », explique Patrick Cottin président de l’Association nationale des maisons des adolescents et Directeur de celle de Loire Atlantique. Après la naissance de la première d’entre elles, en 1999, au Havre, quasiment tous les départements s’en sont dotés. Le 29 juin 2004, la conférence de la famille lance un programme national de financement qui va lancer, dans la période 2005/2015, la vague de créations de MDA à travers toute la France. L’appel à projet lancé aux candidats locaux précisait alors les trois publics destinataires : les jeunes âgés de 11 à 25 ans (traversant une période de doute de perte de confiance et d’incertitude), les parents (souvent eux-mêmes en plein désarroi) et les professionnels de santé, de l’éducation nationale du social, du médico-social et de l’éducation spécialisée confrontés tant aux adolescents en difficulté qu’aux familles en recherche d’une expertise. Presque dix ans après, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, en date du mois d’octobre 2013, ne tarit pas d’éloges sur ces institutions très récentes. Il conclue à leur efficience et à leur efficacité, affirmant même qu’aucune autre organisation existante n’est en mesure de prendre leur relais ou de remplacer leur action.

 

Mode d’emploi

Revenons à Nantes et plus largement en Loire Atlantique pour mieux comprendre l’une des illustrations de ce concept innovant. La MDA y naît en 2007. Au cours de la décennie qui suit, l’ambition de labourer le terrain au plus près des populations adolescentes se concrétise par l’ouverture de trois nouvelles antennes départementales respectivement en 2010, 2013 et 2016. Il n’est plus nécessaire de se déplacer à Nantes pour rencontrer un interlocuteur : c’est une vraie proximité qui a pu se tisser, grâce aux quatre espaces aménagés, mais aussi aux permanences tenues dans les communes rurales et semi rurales isolées permettant la prise de rendez-vous au plus près de chez soi. En 2016, c’est plus de 2.000 adolescents âgés de 11 à 21 ans (pouvant parfois aller jusqu’à 25 ans) qui ont ainsi pu trouver une oreille attentive et bienveillante. Trois problématiques ressortent des demandes formulées : des conflits intrafamiliaux, des difficultés d’ordre scolaire et un mal-être conduisant à des comportements à risque. Le constat est récurrent : les situations qui émergent sont de plus en plus complexes, nécessitant une articulation entre les différentes institutions qui y sont confrontées et sont fréquemment mises en échec. C’est de leur coordination et d’une action transversale que peut venir une réponse efficace. « Nous n’avons plus à faire aux jeunes du siècle dernier qui obéissaient aux exigences des adultes. Les adolescents du XXIème siècle attendent qu’on les écoute et qu’on les associe au projet les concernant », confirme Patrick Cottin.

 

Ne pas oublier la prévention

Les MDA sont parfois victimes de leur succès. L’afflux d’adolescents, certains jours, ne leur permettant pas de les recevoir immédiatement, un rendez-vous leur est fixé. Mais, à Nantes, 15 à 20 % des jeunes à qui une rencontre est ainsi proposée ultérieurement ne reviennent pas. Ce qui montre l’importance du principe d’accueil sans délai. Prendre en compte leur parole ne peut pas toujours se faire d’une manière différée. Le fonctionnement typique dans l’immédiateté de cette classe d’âge trouve ici ses limites : il faut se montrer très réactif… mais aussi proactif. L’équipe de Loire Atlantique a développé de nombreuses actions de prévention tant sur la question de santé que sur les compétences psycho-sociales, en se déplaçant dans les établissements scolaires et les espaces d’animation jeunesse. Des ateliers d’écriture, de photos, de slam ont été proposés sur des temps ludique, comme autant de supports permettant d’aborder des questions de fond que le dialogue en tête à tête ne permet parfois pas de questionner. Les parents ne sont pas oubliés, eux qui sont destinataires de soirées au thème parfois intrigants tel « Vos ados vont plutôt bien ... et vous ?» Il est important de s’adresser aussi à ceux qui se trouvent en première ligne. Mais, les familles ne sont pas seules à rencontrer des difficultés face à la détresse de certains adolescents, voire à leurs passages à l’acte. Les professionnels qui les accompagnent au quotidien sont eux-mêmes parfois très déstabilisés.

 

En direction des professionnels

Qu’il s’agisse des personnels de l’Éducation nationale ou des animateurs jeunesse, des travailleurs sociaux ou des personnels hospitaliers, leurs compétences sont de plus en plus souvent mises à dure épreuve, quand ils sont confrontés à des comportements auxquels ils ne savent pas toujours répondre. Ils n’ont été ni préparés, ni formés pour réagir face à la crise suicidaire, à la toxicomanie ou aux troubles du comportement. Comment développer leur savoir-faire et leur expertise ? La veille réflexive partagée que propose la MDA de Loire Atlantique porte sur deux axes. Depuis sa création, elle n’a cessé d’organiser des journées d’étude et des conférences au titre évocateur : « Troubles du comportement alimentaire et estime de soi », « Puberté, sexualité et relations amoureuses » « Enjeux psychopathologiques des nouvelles technologies chez les adolescents » ou encore « Paraître pour être à l’adolescence ? » Le deuxième axe se concrétise sous la forme de groupes ressources locaux réunissant les acteurs professionnels, les bénévoles et élus désireux de se former au repérage et à l’identification des situations de mal-être et de conduites à risques. Mais, c’est aussi un lieu d’échange autour de situations individuelles à problèmes. Les MDA constituent un outil précieux et utile pour tout jeune ou son entourage en attente d’un accompagnement. Pour savoir où trouver la plus proche de chez soi, il suffit de se référer à la carte de France interactive présentée sur le site de l’association nationale des maisons des adolescents (http://www.anmda.fr/)

 

 

Les MDA au cœur d’un réseau
Sans ses partenaires, une MDA serait impuissante. C’est pourquoi celle de Nantes a tissé des liens de collaboration étroite avec l’Éducation nationale, la Protection judiciaire de la jeunesse, Le Conseil départemental, le Centre d’Information et d’Orientation, les Missions locales, les Structures de loisirs et Information Jeunesse, les Points Accueil écoute Jeunes, les Structures d’insertion sociale et professionnelle, les Associations de soutien à la parentalité, les Services sociaux, la Pédiatrie, la médecine générale, la psychiatrie, les Centres de planification ou planning familial, les Psychologues, Centre Médico Psychologique, Centres Médico Psycho Pédagogique, les Structures de soin en addictologie etc…

 

 

Jacques Trémintin - Journal de L’Animation  ■ n°187 ■ mars 2018