Servir l’enfant ou s’en servir?

Le 20 octobre, le tribunal de  Guingamp a relaxé un enseignant de 40 ans, poursuivi pour  avoir entretenu des relations sexuelles avec son élève âgée de 15 ans. Devant ses juges, le mis en cause ne trouve aucune excuse à la passion amoureuse qui a succédé à une passion intellectuelle. Même si la loi pénalise les rapports entre majeur et mineur de plus de quinze ans, dès lors qu’il y a position d’autorité, le tribunal a surtout retenu le libre consentement de part et d’autre. Depuis des millénaires, la société humaine ne cesse d’alterner entre la stricte séparation et la confusion entre générations. La proximité entre professeur et élève comporte une dimension trouble. Socrate conseillait aux pédagogues une relation « platonique » qui ne devait jamais aller jusqu’à l’acte proprement dit. Se devant d’être séduisant, sans jamais être séducteur, le maître cherche avant tout que son élève devienne, par une série de renversements et de déplacements, amoureux non plus de lui, mais du savoir qu’il dispense. Chaque relation pédagogique recèle donc une part de séduction naïve ou roublarde, troublante ou cynique, avec le risque d’une relation qui dérape vers l’amour. Si pour séduire, on corrompt l’innocence, c’est détestable. Mais si séduire, c’est plaire et captiver, cela est essentiel à l’art d’enseigner. Jean-Pierre Rosenczveig a une formule incisive tout à fait appropriée ici : les enfants ont besoin de notre amour, non à ce qu’on leur fasse l’amour.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°904 ■ 06/11/2008