La fabrique sociale des handicapés: journal d’une auto-fiction

Marc LOSSON, Le bord de l’eau éditions, 2005, 164 p.

La fabrique sociale des handicapés est l’une des deux plus importantes entreprises, la seconde après la fabrique de vieillards. Elle prône le libéralisme absolu au sujet de l’aide auprès des enfants éducables. Le décideurs sont d’accord, étant surtout attirés par tout ce qui leur permettra de se dégager de ce qui coûte. Et notre besoin d’humanité et de dignité ne fait qu’augmenter les coûts sociaux des plus improductifs qui soient. Le Président de la Fabrique, entre deux plongeons dans sa piscine bleue, est agacé par une gestion infortunée. Il décide de se séparer des enfants non rentables, inintéressants pour les équipes médicales et surtout pour les orthopédistes actionnaires. La fabrique florissante se demande si son épargne ne sera pas ombragée par l’excessive durée de vie des corps crépusculaires. Le grand vieillard qui ne meurt pas assez vite et l’enfant grabataire qui poursuit quand même son chemin d’enfance cabossée peuvent devenir des petits paquets de soins répétés. Les soignants déculottent, lavent, savonnent, culottent, habillent, coiffent, désodorisent des corps inertes, jalonnés d’éclaboussures, encerclés de laideurs, raides comme des crayons déminés, enfermés dans la vie du granit. Il va falloir penser à réduire les coûts de gestion concernant les enfants inutilisables devenus nuisibles au marché des capitaux : une délocalisation vers la Roumanie semble représenter un choix économique intéressant.

 

Jacques Trémintin – Juin 2005