Le lien groupal à l’adolescence

Jean-Bernard CHAPELIER et all, Dunod, 2000, 256 p.

L’ouvrage est destiné à un public de thérapeutes d’obédience psychanalytique. Celui-ci y trouvera son compte tant en matière théorique (à ne surtout pas manquer le « transfert topique dans la perlaboration de l’obscenalité ») que d’application au travail de groupe de la psychothérapie freudienne. Certes, il y a de ces affirmations qui, comprises certainement par le lecteur spécialisé, font froid dans le dos pour celui un peu plus candide qui trouve à la page 22 : « Or, nous savons que le désir, si fréquent dans les fantasmes, d’être battu par le père est très proche de cet autre désir, avoir des rapports sexuels passifs (féminins) avec lui, le premier n’étant qu’une déformation régressive du second ». L’enfant serait amené « à demander à être battu pour prendre du plaisir dans l’équivalent d’une relation sexuelle sadique » (p.22) On comprend qu’avec de telles perceptions, les psychanalystes aient assimilé pendant près d’un siècle les révélations de maltraitance au domaine des fantasmes ! Pour autant, ce livre ne se limite pas à de telles affirmations imprudentes. Il comporte aussi des passages d’une grande force proposant une interprétation passionnante de l’adolescence : le jeune attend de l’adulte qu’il le protège contre sa propre pulsionnalité qui peut faire éclater tous ses contenants individuels et de l’aider à contrôler ses fantasmes de morcellement et de vide. Il confie à son entourage le soin de gérer un certain nombre d’instances de sa psyché et ainsi de lui délimiter un espace propre. C’est bien ce débordement pulsionnel qui est à l’origine de la haine qu’il manifeste (du fait de son excitation interne et/ou du manque de contenance externe) le plus souvent en direction de ses figures adultes de référence. Il cherche à tester leurs limites et à pouvoir créer son propre espace subjectif. C’est là, où intervient le groupe qui offre à la fois protection et possibilité de régression mais aussi un étayage identificatoire de transition qui facilite le  rassemblement des diverses pièces de son monde interne. Porteur de règles de valeurs et d’idéaux, ce groupe permet le passage de l’univers maternel familial à la réalisation élargie de la vie d’adulte : « les identifications post-oedipiennes ne sont pas suffisantes pour faire entrer l’adoelscent dans la filiation car il ne restera que le « fils de son père ». Il doit passer par un groupe d’appartenance, c’est à dire par l’affiliation à un groupe avant d’intégrer une relation amoureuse homo-générationelle, seule condition pour devenir le « père de son fils », c’est à dire entrer dans le processus transgénérationnelle. » (p.56-57) On ne refermera pas ce livre sans lire l’article de René Kaës qui développe une thèse tout à fait séduisante sur la situation des groupes de formation qui replacerait leur participants dans un fonctionnement adolescent, là aussi le groupe renvoyant au rêve d’un retour aux temps de l’origine, d’avant les règles contraignantes et les interdits limitateurs, du désir de toute-puissance et de satisfaction immédiate.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°566  ■ 01/03/2001