La police est-elle légitime ?

Des policiers s’adonnent au profilage ethnique en contrôlant respectivement dix fois et cinq fois plus les hommes de peau noire et ceux perçus comme arabe que des hommes blancs. Mais, dans le même temps des policiers ont participé au vaste coup de filet international de fin 2023 permettant de sauver 149 personnes étrangères des griffes des trafiquants et d’arrêter 281 personnes, soupçonnées de traite d’êtres humains.

En 2022, des policiers ont causé la mort de 39 personnes au cours de leurs interventions. Mais, 38 d’entre eux ont perdu la vie dans leur mission.

Régulièrement, des policiers se mettent en danger pour sauver des citoyens sur le point de se suicider. Mais alors que le taux de suicide moyen en France est de 14 pour 100 000 habitants, celui qui atteint leurs rangs est de 29 pour 100 000 agents.

Des policiers répriment violemment certaines manifestations chargeant indifféremment les foules, et cherchant à les coincer dans des nasses, pour mieux les tabasser. Mais, parallèlement, des policiers sécurisent aussi le cheminement de bien d’autres regroupements de rue, en collaboration étroite avec leurs organisateurs, protégeant parfois même le défilé contre les menaces de confrontations violentes de la part de contre-manifestants d’extrême droite.

Des policiers commettent des agressions illégitimes régulièrement documentées et attestées. Mais, des policiers interviennent tout aussi souvent, sinon plus, pour neutraliser d’une manière musclée des auteurs de violences conjugales et familiales.

Des policiers sont responsables de bavures sanglantes blessant gravement ou mortellement des citoyens qui ne les mettaient pas en danger. Mais des policiers abattent aussi des terroristes qui viennent eux-mêmes de commettre des crimes et entendent continuer.

Entre 2013 et 2017, 23 000 condamnations pour outrage à agent ont été prononcées par la justice. Entre 2005 et 2015, 89 cas de violences policières illégitimes ont pu être alléguées par l'ACAT (ONG chrétienne de défense des droits de l'homme). Un seul cas a donné lieu à une condamnation à de la prison ferme pour le policier incriminé.

Entre 1940 et 1944, la police et la gendarmerie françaises se sont mises au service de l’occupant nazi, lui servant de bras armé pour ficher, arrêter et faire déporter plus de 75 000 juifs. Mais, près de 1 200 policiers sont entrés dans la résistance, 700 étant déportés et 177 perdant la vie lors du combat pour libérer Paris au mois d’août 1944.

Y a-t-il de la place pour une nuance entre « tout le monde déteste la police » hurlé par certains manifestants et « il n’y a pas de violences policières » répété à l’envie par tous les ministres de l’intérieur successifs ? Les forces de l’ordre se voient déléguer le monopole de la force pour faire régner l’ordre public. Et il faut continuer à le leur confier, au risque de voir tout-un chacun se faire justice soi-même. Reste à définir si l’usage qui en est fait est légitime ou non. On ne peut faire confiance en la corporation policière qui fait régulièrement corps pour défendre l’indéfendable, certains de ses membres n’hésitant pas à mentir, falsifier et frauder pour y parvenir. On ne peut faire totale confiance en un parquet qui tient les forces de l’ordre sous son autorité directe et qui classe massivement sans suite les plaintes déposées par leurs victimes. On ne peut faire confiance en une autorité politique si dépendante d’une police chargée de sa sécurité. Seule une instance judiciaire indépendante en charge de cette mission pourrait traiter des violences et autre bavures policières, en relaxant ou en condamnant les accusés, au regard des faits, des actes et des paroles tombant sous le coup de la loi.