Colonialistes d’hier et d’aujourd’hui

Le proverbe dit « comparaison n’est pas raison ». Je vais, néanmoins, me risquer à un parallèle entre la guerre colonialiste menée par l’Etat d’Israël en Palestine et celle de notre propre pays en Algérie, avant son indépendance.

En Algérie comme en Palestine, on retrouve une conquête militaire de territoires d’une autre nation que la sienne : respectivement de 1860 à 1847 pour l’empire Français. Et de 1948 à nos jours, pour l’Etat israélien.

En Algérie comme en Palestine, des colonies de peuplement ont été organisées pendant des décennies. On compte jusqu’à 700 000 colons français venant, 130 ans durant, s’installer sur une terre qui n’était pas la leur et autant de colons israéliens qui exproprient et chassent de leurs terres leurs légitimes propriétaires, depuis plus de 75 ans.

Plus de 2,5 millions d’Algériens furent enfermés dans l’un des 2 000 « centres de regroupement ». C’est près de 4,7 millions de réfugiés palestiniens qui ont été chassés de chez eux et se sont regroupés eux aussi dans des camps. Différence notable, les premiers furent créés, surveillés et encadrés par l’armée français. Les seconds sont éparpillés sur plusieurs territoires différents, ceux qui les peuplent bénéficiant du statut de réfugiés reconnus par l’ONU.

La guerre a été meurtrière dans les deux pays : 110 00 morts de civils algériens et 85 600 palestiniens tués depuis 1947 (sans compter les 30 000 décès dus aux bombardements sur Gaza).

Du côté de l’occupant colonial, 30 000 soldats français et plus de 7 800 colons tués ; 9 000 du côté israélien.

Un régime d’apartheid a perduré en Algérie jusqu’à l’indépendance. Exclus de la citoyenneté française, une loi en date de 1947 la reconnaît enfin aux « indigènes ». Mais, au sein de l’assemblée algérienne nouvellement constituée, 60 délégués sont élus au suffrage universel pour le million d’habitants d’origine européenne, 60 autres pour les 9 millions de musulmans, dont deux tiers étaient désignés directement par l’administration coloniale ! De son côté, Israël soumet les palestiniens à un régime de discrimination régulièrement qualifié d’apartheid (y compris par des voix israéliennes !) imposé par une juridiction militaire agissant dans le plus grand arbitraire. Y compris en emprisonnant des suspects sans jugement et sans limites de temps.

On se rappelle le large soutien des colons à l’Algérie française et l’on constate combien la population israélienne est majoritairement acquise à la politique colonialiste de son pays.

Du côté des indépendantistes algériens comme palestiniens, le même constat : corruption, terrorisme aveugle contre les populations civiles, répression féroce contre leurs propres opposants. Les victimes des actes terroristes algériens se montent à plus de 7 800. Celles du terrorisme palestinien se monte à près de 4 000 (sans compoter les 1 200 du terrifiant massacre du 7 octobre 2023).

La guerre menée contre Gaza par le gouvernement israélien n’est pas sans rappeler celle du bon général Bugeaud conquérant de Algérie, en incendiant les villages et en massacrant ses habitants.

Des proximités donc, mais aussi bien des différences. Des généraux prennent le pouvoir à Alger le 13 mai 1958 en voulant sauver l’Algérie Française. Ils échouent dans leur tentative de renverser le gouvernement, l’indépendance survenant quatre ans après. La droite et l’extrême droite israélienne au pouvoir depuis près de 15 ans en Israël, appliquent une implacable politique de colonisation et une féroce répression, celles-là même dont rêvaient les putschistes d’Alger.

Une autre différence majeure : alors que c’est le peuple algérien victime du colonialisme qui fait l’objet dans notre pays d’un insupportable racisme plongeant ses racines dans notre triste passé impérialiste, c’est l’occupation israélienne qui a donné prétexte à la propagation d’un nauséabond et ignoble antisémitisme. Censé trouver une justification dans le sort réservé à Gaza par l’armée israélienne, ce racisme est un crime permanent contre la conscience humaine. Aucun juif n’est, n’a jamais été et ne sera jamais comptable de ce que peut dire ou faire un autre juif en son propre nom ou au nom de son culte. Il en va de même pour les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes etc… et les athées. La pratique de chaque (non) croyance recouvre une infinité de variations et une hétérogénéité n’autorisant pas à établir un modèle unique. Pa plus qu’aucun palestinien n’est coupable, du fait se sa seule identité, des horreurs perpétrées par le Hamas, aucun français n’est responsable des ventes d’arme que son pays continue à assurer auprès d’une armée israélienne coupable de crimes de guerre.

Même si les libérateurs ont montré dans l’histoire que le régime qu’ils instauraient après l’indépendance fut parfois et trop souvent aussi répressif que celui de leurs anciens colonisateurs, le fait colonial ne peut jamais et nulle part se justifier.

C’est ce que revendique l’association des Anciens Appelés en Algérie et leurs Ami(e)s Contre la Guerre (http://www.4acg.org). Ses membres refusent de garder pour eux la pension militaire qu’ils reçoivent au titre de leur incorporation durant la guerre d’Algérie. Les 826,80 € versés chaque année sont trop tachés de sang, pour qu’ils les gardent. Ils les reversent donc à des projets humanitaires et solidaires à travers le monde. Les 152 anciens appelés adhérant à cette belle association sont certes bien peu en proportions des 1,3 million d’appelés qui auront passé jusqu’à 28 mois de leur jeunesse dans cette sale guerre. Il faut d’autant plus saluer cet acte de résistance et de désobéissance face à un drapeau et à une patrie, qui ont si souvent servi de prétexte à sacrifier de la chair à canon pour une oppression coloniale sanguinaire. Voilà une démarche admirable !

Tal Mitnick, jeune israélien de 18 ans, a refusé de s’enrôler dans l’armée israélienne pour combattre à Gaza. A quand la création de l’association des Anciens Appelés palestiniens à Gaza et leurs Ami(e)s Contre la Guerre ?