Pourquoi les gens intelligents prennent-ils aussi des décisions stupides?

THALMANN Yves-Alexandre, Éd Mardaga, 2018, 172 p.

Il est si fréquent d’accuser l’autre des pires conneries, sans jamais se remettre en cause soi-même. Mieux vaut parfois commencer par balayer devant sa porte. Il en va de même pour la confusion l’acte stupide avec son auteur. On peut être très avisé et en commettre. Comme on peut être très con et ne pas en produire.

Voilà un ouvrage qui propose à toutes et à tous une salutaire prise de recul sur un sujet d’étude qui restait jusque-là un territoire vierge de recherche.

D’abord, une définition : alors que la bêtise est aveugle à elle-même, parce que commise par manque de réflexion, de jugement ou de connaissance, la stupidité caractérise des actes produits délibérément.

Mais comment expliquer sa fréquence ? Il y a d’abord l’imprudence qui fait négliger les risques encourus que l’on méprise ou refuse de voir. Puis vient une imprévoyance fondée sur une mauvaise évaluation des conséquences potentielles. Sans oublier une multitude de circonstances : l’impulsivité, quand l’action est menée sans réflexion ; la naïveté ou la crédulité par manque d’esprit critique ; la maladresse par carence de savoir-faire ou de savoir-vivre ; l’intrication entre la cognition et les émotions fréquente quand la jalousie, la colère, l’envie, la tristesse prennent le dessus sur la raison ; l’exutoire à l’ennui qui pousse à l’aventure ; la désinhibition qui incite à violer les interdits ; la recherche d’expérience qui gomme toute prudence...

Il suffit en lisant cette énumération … de cocher les cases pour contextualiser la dernière stupidité  que nous avons commise. Sommes-nous vraiment à l’abri de l’une ou de l’autre de ces attitudes ? Autant dire que tout le monde est capable, à un moment ou à un autre, d’accomplir un geste stupide, quels que soient son degré d’intelligence ou son quotient intellectuel.

Rassurons-nous, cet agissement est le plus souvent (et heureusement) peu habituel à nos manières d’agir qui sont censées être en général rationnelles, cohérentes et logiques.

Quand nous nous comportons ainsi, c’est sans la moindre intention constructive, ni en étant dans l’attente de bénéfices réels.

Comme il y a toutefois une forte probabilité d’effets préjudiciables quand nous posons ces actes, il est légitime de s’interroger sur ce qui nous pousse à nous comporter de la sorte.

Certes, le sentiment de toute-puissance, le plaisir de ressentir une intense jubilation et vivre un fugace frisson d’exaltation, procurent bien plus de satisfactions qu’une attitude raisonnable. Mais l’auteur décrit aussi ces biais cognitifs qui court-circuitent notre réflexion approfondie, nous apportent des réponses certes approximatives, mais rapidement et immédiatement utilisables face à ce qui survient.

Pour autant, la connaissance de ces fonctionnements ne nous met pas à l’abri des actes stupides qu’ils favorisent. Comment alors réussir à destupidifier notre esprit, s’interroge l’auteur ? Voyons les solutions qu’il propose.

D’abord, renoncer à se croire plus malin que les autres et en leur faisant appel pour bénéficier de leur regard extérieur. L’avis d’un tiers est toujours une précieuse ressource pour nous aider à faire le pas de côté nécessaire.

Ensuite, analyser le rapport bénéfices / risques. Qu’avons-nous à y gagner et que pouvons-nous y perdre ? C’est là une aide utile permettant de mesurer le degré de pertinence d’une décision à prendre une attitude à adopter … ou non.

Enfin, se représenter et imaginer parmi les conséquences celles qui pourraient mal tourner. S’il est pertinent d’entrevoir des perspectives optimistes, il l’est tout autant de ne pas s’y enfermer en s’ouvrant aussi à celles qui s’avèrent pessimistes.

Pour autant, il serait stupide d’abolir une certaine stupidité : c’est aussi aux marges des habitudes conventionnelles et routinière que se nourrissent la créativité et l’inventivité.

 

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