Tout va, tout va bien

Qui sont donc ces « fainéants » à qui Emmanuel Macron est bien décidé à ne rien céder ? Le 3 juillet, il distinguait « les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». D’un côté Jr Neymar qui a intégré le PSG avec 30 millions € par an. Le fisc pensait déjà l’importuner. Heureusement, le numéro 10 du PSG pourra bénéficier du régime dérogatoire des impatriés : les salariés étrangers venant travailler en France bénéficient d’une exonération de tout impôt, sous condition qu’il n’ait pas résidé en France les cinq années précédentes. Ou Carlos Ghosn, PDG de Renault qui a convaincu ses actionnaires de maintenir ses 15,4 millions € de revenus annuels (soit quand même l’équivalent du salaire de 7.700 de ses ouvriers). On n’aurait garde d’oublier François Hollande qui, en quittant l’Élysée, est entré dans le club très fermé des anciens présidents de la République bénéficiant d’une dotation de 65.000 euros par an à laquelle se rajoutent la mise à disposition d’une voiture avec deux chauffeurs, d’un appartement de fonction, de sept collaborateurs et de personnels de maison. Voilà pour ceux « qui réussissent » ! Du côté de ceux qui « ne sont rien », il y a tous ces cas sociaux, véritables parasites vivant au crochet de la société. Heureusement, notre Président sait y faire pour réduire les dépenses publiques dispendieuses qui leur sont consacrées. L’APL ? On en diminue le montant. Les emplois aidés ? Ils coûtent près de 5 milliards d’ €. On va en supprimer les deux tiers. Ça tombe bien, il va bientôt falloir compenser les 3 milliards d’€ de manque à gagner occasionné par la réforme de l’impôt sur les grandes fortunes généreusement accordée à ceux « qui réussissent ». Yannick Vaugrenard, sénateur de Loire Atlantique résume bien cette époque vraiment formidable : « nous vivons curieusement dans un monde où ceux qui gagnent plus de 20.000 euros par mois persuadent ceux qui en gagnent 1.800, que tout va mal, à cause de ceux qui vivent avec 537 euros ».
 
« Sentiment amoureux et conjugalité violente. Du meilleur au pire »
CONDOMINAS Cécile, Ed. L’Harmattan , 2016, 189 p.
Deux lectures opposées cherchent à interpréter les ressorts de la passivité de certaines femmes face aux violences conjugales. La première privilégie une emprise de l’agresseur prenant la forme de l’effraction (invasion du territoire de sa proie), de la captation (son isolement) et de la programmation (son dressage). La seconde lecture accuse la femme de complicité active (provocation et incitation) ou passive (intériorisation de la domination patriarcale). Cécile Condominas propose une piste alternative des plus fertile élaborée à partir d’échanges avec six femmes maltraitées par leur conjoint. Pour elle, la relation amoureuse n’est pas qu’altruisme gratuit. Elle profite aussi aux deux partenaires, répondant à leurs besoins à la fois d’étayage d’un côté, de valorisation narcissique de l’autre. L’empreinte de l’enfance pèse sur le choix amoureux et se trouve réactivée au sein du couple. Le conjoint ayant vécu avec une mère dominatrice va plutôt rechercher un paradigme amoureux fondé sur la réassurance, tissant une relation complémentaire qui s’articule à l’autre. Là où un lien maternel défaillant induira quant à lui l’attente du renforcement de l’estime de soi, produisant un rapport symétrique de rivalité avec le partenaire. Pour l’auteur, la vie amoureuse répondant à ces quêtes, trois issues sont possibles quand celles-ci s’épuisent. La désillusion progressive d’abord, quand le retour au réel fait craqueler le vernis idéalisé. Le déni, le clivage et le refoulement, la rationalisation et la minimisation ensuite, autant de mécanismes d’agrippement venant à la rescousse de la faillite imminente, pour tenter de prolonger l’utopie. La rupture enfin, qui passe par des phases de haine et de souffrance, avant que l’apaisement n’apporte cette disponibilité nécessaire à de nouveaux investissements. Ces cycles, pour être ni linéaires, ni chronologiques sont néanmoins communs à tous les couples. Dans les situations de violences conjugales, on retrouve la prise de conscience progressive face aux actes de brutalité verbales, psychologique, physique ou sexuelle. La séparation est rapide. On en parle rarement. Mais, bien des facteurs contribuent à prolonger la période de dénégation, de banalisation et d’aveuglement : la compulsion de répétition (violence déjà subie dans l’enfance), la névrose de destinée (subir passivement son destin), la reproduction transgénérationnelle (agir en miroir avec ce que sa mère battue a vécu), l’habituation cognitive à la souffrance (ne plus sentir les coups), voire le syndrome de Stockholm (identification à l’agresseur).
 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1214 ■ 05/10/2017