Stéréotype
Il est coutumier, au café du commerce, d’affirmer que l’on retire un enfant à sa famille, essentiellement, en raison de sa pauvreté. Régulièrement, ce cliché refait surface. Le 27 février, c’était au tour de Laurence Rossignol, Secrétaire d’État chargée de la Famille, de ressasser cette idée reçue. « Dans le placement des enfants, cela peut être des défaillances économiques, des moments de grande pauvreté, ou des parents malades » Le problème, c’est que ce poncif est totalement faux. C’est ATD Quart monde qui a donné, en premier, corps à cette rumeur. Ségolène Royal, qui occupait alors le poste de Laurence Rossignol, chargea le 20 décembre 1999, Pierre Naves (inspecteur général des affaires sociales) et Bruno Cathala (inspecteur des services judiciaires) de vérifier cette assertion. Leur rapport rendu en juin 2000 est catégorique : « Aucun des enfants accueillis provisoirement ou placés, dont la mission a examiné la situation, n’a été séparé de “son milieu actuel” du seul fait de la pauvreté de ses parents » (p.25) Sur les cent quatorze situations étudiées : les carences éducatives, les difficultés parentales d’ordre psychologique ou psychiatrique, les conflits familiaux, l’alcoolisme ou la toxicomanie, ainsi que la maltraitance occupent les cinq premières places des raisons expliquant le placement. Les ressources financières arrivent en treizième position (trois situations !). La situation se serait-elle dégradée depuis quinze ans, au point de modifier cette statistique ? Il faudrait une nouvelle étude pour le vérifier. Jusqu’à ce qu’une mission d’expertise ne soit ordonnée pour répondre à cette question, on peut donc affirmer, haut et fort, que la pauvreté n’est ni la cause première, ni l’une des principales raisons des retraits d’enfant. Ce que confirment les praticiens sur le terrain. Mais, gageons, que ce rappel d’une réalité objective ne suffira pas. Les légendes urbaines étant tenaces il faudra encore et encore démentir ce lieu commun, à l’avenir.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1161 ■ 16/04/2015