Mauvaise note
Faut-il supprimer la notation à l’école primaire ? Les avis s’affrontent. Des personnalités connues se sont engagées dans ce combat qui semble s’inscrire dans un processus plus large d’euphémisation. On ne parle plus de chômeur mais de demandeur d’emploi, de pauvre mais d’exclu, de grèves mais de mouvements sociaux, de femme de ménage, mais de technicienne de surface, de clochard mais de sans domicile fixe. On ne devrait plus noter les élèves de 0 à 20, mais préférer à ce classement honni … des échelles de 1 à 5 ou de A à E. Quelle hypocrisie ! Soyons clair : l’école laïque et républicaine n’est pas et n’a jamais été démocratique. Elle n’est pas là pour permettre à chacun de réussir, en fonction de son mérite. Au-delà de ce mythe, sa véritable fonction est d’être un outil de stabilisation de la mobilité sociale : 60,7% des enfants issus des milieux aisés et 56,3% des enfants originaires des milieux populaires restent dans leur classe sociale d’origine, à l’issue de leur parcours scolaire. Quant au système de notation, ce n’est qu’un outil qui peut être utilisé tout aussi bien d’une façon sommative (mesurer le résultat des apprentissages) que formative (évaluer la démarche d’apprentissage). Passer de 40 à 20 fautes d’orthographe dans une dictée, cela vaudra toujours 0/20 pour une pédagogie élitiste qui cherche à distinguer les meilleurs des moins bons. Pour la pédagogie de la réussite, ce qui comptera ce sera d’encourager l’effort, en augmentant la note accordée.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°996 ■ 02/12/2010