Itinéraire d’une enfant (dé)placé

Yanie vit heureux dans sa famille d’accueil depuis l’âge de 18 mois. Jacques, 70 ans, et Myriam, 60 ans, aspirent à une retraite bien méritée. Un changement de famille d’accueil est organisé. Évènement qui pourrait être banal, si la caméra du documentaire exceptionnel qui lui est dédié * ne le rendait pas aussi poignant et déchirant. Deux personnages s’imposent à l’écran. L’adolescent de 14 ans d’abord, concentré de souffrance, contenant et portant, comme il le peut le conflit de loyauté entre des adultes qu’il veut préserver. Virginie, sa mère, revendique avec force de jouer son rôle parental. Elle aimerait tant montrer à son fils combien elle l’aime. Mais, elle n’y arrive pas, apparaissant à son corps défendant brutale, désaffectivée, agressive. Se sentant dépossédée, elle exige la rupture totale des liens de Yanie avec son ancienne famille d’accueil qu’elle accuse de lui avoir pris son enfant. Mais, le stress et le malaise ressentis par Yanie quand il est avec sa mère, son bonheur et son plaisir quand il retrouve Jacques et Myriam ne trompent pas. « Je ne comprends pas pourquoi on me fait ça » réagit-t-il face à la caméra qu’on lui a confiée, à défaut de pouvoir l'exprimer directement. Il faudra un épisode de décompensation de l’adolescent se terminant en psychiatrie pour que petit à petit l’emprise toxique de Virginie soit reconnue par le juge. Elle perdra son droit d’hébergement et Yanie pourra revoir Jacques et Myriam. Bien sûr, le placement familial ne se résume pas à cette illustration. Bien plus souvent parents biologiques, enfant placé et famille d’accueil tissent des liens plus sereins et équilibrés. Mais, des Virginie trop encombrées par leur propre parcours, cela existe et des Yanie victime du maintien des liens à tout prix, aussi. Entre le trop de relation avec la famille naturelle et le pas assez, il n’est pas possible de trancher d’emblée. On tâtonne, on hésite, on essaie, avec le risque de tomber dans un extrême ou l’autre.

 

* « Itinéraire d’un enfant placé » Ketty Rios Palma (2017) visible en replay jusqu’au 26 mai

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1227 ■ 19/04/2018