« La vieillesse est un naufrage », affirmait Chateaubriand. Les livres la passionnaient. Sa perte de vision ne lui permet plus de lire. Elle marchait toute la journée. La voilà clouée dans son fauteuil roulant. Elle passait des heures au téléphone. Son élocution est devenue incompréhensible. Elle adorait tricoter. L’arthrose a paralysé sa main droite. Il ne lui reste plus que le sommeil dans lequel elle plonge jour et nuit. Il lui a fallu attendre sa 92^ème année pour s’étioler, prostrée et résignée, dans l’attente du dernier souffle. « Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit », chantait Brel. Cette vie jusqu’au bout ne pousse-t-elle pas au désespoir, quand elle perd son sens, à l’image de cet octogénaire condamné, le 3 novembre dernier, à cinq ans de prison avec sursis, pour avoir tué sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer ? Face à la dépendance due au grand âge, pas de distinction entre valides et personnes avec handicap : les seuls d’entre nous qui y couperont seront ceux qui seront morts avant ! Nos aînés ont un droit irréfragable à terminer leur existence dans la dignité. Le degré de civilisation d’une société devrait aussi se mesurer à la qualité des soins qui leur sont prodigués. Les conditions de travail de plus en plus difficiles des personnels des EHPAD, leur manque de reconnaissance et les bas salaires induisent un épuisement et un turn-over de mauvaise augure. Si 80 % des français sont favorables à l’euthanasie, ses opposants l’accusent de devenir l’alternative aux carences de notre société. Plus de 3.000 vieillards se suicident chaque année. Le sentiment de déchéance justifie-t-il de reconnaître cette ultime liberté de disposer de son existence ? Le plus raisonnable serait d’assurer une fin de vie digne, tout en garantissant à chacun le libre choix de décider comment et quand en finir : s’en remettre à la grande faucheuse pour fixer la date de l’ultime rendez-vous ou décider soi-même quand lui damer le pion. 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1221 ■ 25/01/2018