Avons-nous trop mangé notre pain blanc?
Vous avez aimé la Loi Travail qui donne la possibilité aux employeurs d'augmenter le temps de travail et de diminuer les primes, en licenciant les salariés refusant d'accepter cette modification de leur contrat ? Vous allez adorer le programme économique d'Alain Juppé, que les sondages désignent comme notre futur Président de la République. Maël de Calan, son mentor, l'annonce clairement : « notre système social est dans l'ensemble trop généreux et doit être réformé » (1). Ben voyons : 10 % de la population française détenant 48 % de la richesse nationale et 50 % en possédant 7 % ? Ce n’est pas ces 10 % qui s'approprient une trop grosse part du gâteau, mais les 50 % qui sont les plus gourmands : « tous les acquis sociaux que le chômeur recherche (CDI difficile à rompre, indemnisation élevée du chômage, RTT et jours de congé) sont en réalité des boulets qui l'entraînent vers le fond »(1). L'équipe du candidat Juppé prépare déjà les ordonnances à prendre, dès l'été 2017, pour abroger l'impôt sur la fortune et réduire la taxation des revenus du capital d'un côté, supprimer les 35 heures, porter la retraite à 65 ans, plafonner les prestations de solidarité jugées trop élevées et réduire la dépense publique (qui alimente entre autre l'action sociale, l'éducation, la santé...) de 85 milliards de l'autre. La gauche a lancé un ballon d'essai ? La droite s'apprête à le transformer. La grande majorité de notre classe politique est acquise à la théorie du ruissellement : plus les riches s'empiffrent et plus les plus pauvres ramasseront de miettes. En réaction, émergent à la fois l’espérance et la désespérance. L’espoir ? Ce sont ces milliers de participants à la Nuit debout qui rêvent d’un monde meilleur. Le désespoir ? Ce sont ceux qui n’y croient plus et s’attaquent violemment aux symboles de cette société de plus en plus inégalitaire. Pour préférer les premiers, peut-on vraiment considérer les seconds comme totalement illégitimes ?
(1) in « La vérité sur le programme du Front National » (Denoël)
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1187 ■ 09/06/2016