Cyril est un adolescent hors normes. Apprenti dans un élevage de vaches laitières, il cultive un attachement atypique à son métier. Si on le laissait faire, ses journées de travail finiraient à  22h00, voire plus. Ses week-ends, il les passerait à la ferme. Il faut que son patron lui fasse la chasse pour le virer en fin de journée et qu’il lui interdise formellement de paraître le samedi et le dimanche. Cyril s’en fiche : il trouve un temps à s’embaucher ailleurs, les fins de semaine. Il a fallu faire savoir dans tout le canton qu’il avait interdiction de travailler ces jours-là. Cyril a bien eu une petite copine. Interrogé par son éducateur pour savoir comment il allait pouvoir consacrer du temps à sa vie affective, il a réfléchi, puis a reconnu : « c’est vrai que je suis quand même amoureux de mes vaches » ! Cyril a une passion : il s’est acheté une moissonneuse batteuse pour participer aux Mois bat cross. Son père a été enchanté de voir débarquer l’engin dans son jardin. Depuis que le moteur est tombé en panne, la machine est devenue le refuge préféré des oiseaux. Cyril a une foule de qualités. Mais, il a un gros défaut : il ne sait pas se la fermer. S’il n’y prenait garde, son maître d’apprentissage passerait sous son autorité. Accumulant les avertissements, il a fini par se faire virer. Qu’à cela ne tienne, Cyril a trouvé un autre lieu de formation. Dynamique, réactif et ingénieux, intelligent, fin et perspicace, Cyril accepte toutefois les remarques bienveillantes de son éducateur. « Mais, tais-toi, Cyril, apprends donc à te taire ! » Il le reconnaît, c’est ce qu’il devrait faire … mais c’est plus fort que lui : il faut qu’il la ramène. Soutenu en aide éducative depuis près de six ans, Cyril affirme, avec un sourire provocateur sa satisfaction d’être enfin débarrassé de son éducateur, à ses 18 ans tout proches. Mais, si le temps est trop long entre deux rendez-vous, le reproche fuse « tu m’avais oublié ou quoi ? »

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1251 ■ 14/05/2019