« Tiens, Belphégor est de sortie ! » Ma réflexion fuse spontanément, alors que j’accompagne Tristan dans la recherche d’un apprentissage. Nous venons de croiser une jeune fille au corps recouvert d’un long Jilbab noir. Seul son visage émerge. Sans même attendre la réaction de l’adolescent, la gêne m’envahit. Je lui explique qui est Belphégor : le fantôme d’une série télévisée datant de 1965. Tout de noir vêtu, avec un masque blanc, il n’a pas fait que hanter fictivement le Louvre. Il a aussi peuplé mes cauchemars d’enfant. Enfin bref, quittant mes souvenirs antédiluviens, je lui demande son avis sur cet accoutrement : « moi, je m’en fiche ! ». Mon trouble se creuse. Prônant la tolérance et l’acceptation de la différence, me voilà mouché par un môme de quinze ans. Je reçois une belle leçon d’ouverture d’esprit. L’occasion d’une introspection que je livre au lecteur. Ma réflexion était-elle islamophobe ? Comme athée, je me revendique islamocritique, christianocritique, judéocritique …, car je suis convaincu de l’inanité de toutes les religions que j’assimile à autant de superstitions. Je me sens donc légitime à ironiser face à tout signe de fétichisme dévot. Était-ce alors une réflexion discriminatoire ? Je n’hésite pas à me moquer de cette nouvelle mode des jeans largement déchirés sous les genoux, pourtant si pratiques pour la ventilation l’été. Je revendique le droit de railler aussi le Jilbab, la cornette de bonne sœur ou les papillotes orthodoxes juives. N’est-ce finalement pas une réflexion féministe ? Sûrement ! Jusqu’en 1968, les filles étaient renvoyées de l’école si elle s’y présentaient en pantalon et non en jupe. Cinquante ans après, le Jilbab a comme un goût rétrograde et … sexiste. Quand les hommes revêtiront ce même vêtement, il sera bien moins misogyne. Me voilà donc déculpabilisé. Je peux continuer à ricaner bêtement. Et l’on peut tant que l’on veut se moquer du mécréant, de l’impie, du sans dieu et de l’hérétique que je m’honore d’être.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1234 ■ 06/09/2018