Des Sourds qui défendent leur propre langue et leur culture spécifique face aux entendants qui les ont opprimés pendant des siècles. Des autistes qui se battent pour se voir reconnaître leur droit à la neurodiversité. Des schizophrènes qui réclament d’être dissemblables, leur appréhension du monde n’étant qu’une des nombreuse approches possibles. On peut comparer les combats menés par ces minorités biologiques à ceux de leurs cousins ethniques ou de genre. Le mouvement des noirs pour les droits civiques aux USA dans les années 60 et contre le racisme toujours prégnant encore aujourd’hui. L’action des militants LGBTQ (lesbiens, gays, bisexuel, transsexuel et queer) pour défendre la légitimité de leur orientation face aux hétérosexuels. Les féministes qui sont très loin d’avoir gagné la parité. De tous les côtés, les minorités longtemps stigmatisées se réveillent et se révoltent. Moi, je ne suis ni sourd, ni autiste, ni schizophrène, ni noir, ni femme, ni concerné par les LGBTQ. Appartenant au groupe des normopathes, j’ai envie d’adopter profil bas. Je ne voudrais pas que mon propos soit soupçonné de banaliser ou de sous estimer les souffrances et les humiliations vécues par tant de mes congénères, au seul prétexte de leur spécificité. Qu’il est facile d’apparaître comme donneur de leçon, quand on ne s’est pas fait voler sa langue des signes, quand on n’a pas été assommé de médicaments, quand on ne s’est pas fait moquer parce qu’on entendait des voix, quand on ne s’est pas fait traiter de nègre, de pédé, ni d’avoir été renvoyé à ses fourneaux. C’est pourquoi prudemment, humblement et posément je me permets un espoir peut-être utopique mais audacieux. Celui de croire qu’après la défense d’une nécessaire identité distincte, triomphera un jour la citoyenneté humaine. Après ce qu’il y a d’unique en chacun d’entre nous, apparaîtra ce qu’il y a de commun. Après le droit à la différence s’imposera le droit à l’indifférence. On peut toujours rêver !

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1243 ■ 22/01/2019