L’habit ne fait pas le moine

En ce 22 juin, Jared se rend avec ses potes à l’hippodrome de Longchamp. Cela fait des mois qu’il a acheté son « pass trois jours » pour la vingtième édition du festival Solidays. Il se fait une joie de découvrir sur scène tous ces groupes qu’il ne cesse d’écouter en streaming. Grand, le teint mat (on lui dit souvent qu’il a une tête d’arabe), la sacoche en bandoulière et bien sûr la casquette de marque fichée sur la tête, une fois, deux fois, trois fois, il se fait aborder par de parfaits inconnus le sollicitant pour savoir s’il n’a rien à vendre : exctazy, shit, coke… Ses copains sont morts de rire. Jared, un peu moins : il n’apprécie guère d’être pris pour un dealer. Il a sur lui juste ce qu’il lui faut comme shit pour assurer sa conso personnelle. Impensable de profiter des concerts, sans bédos ! Et ça continue. Mais, cette fois-ci, ce sont des policiers en civil qui s’approchent de lui pour le contrôler. Ils lui demandent de retourner ses poches. Étonnés de ne pas retrouver ni profusion d’espèces, ni provision de substance illicite, ils lui confisquent néanmoins le sachet contenant le produit prohibé. Jared ne se démonte pas. Avec l’humour qui le caractérise, il propose aux braves pandores de leur racheter sa dose : « il fait chaud, comme ça vous pourrez vous payer un coup de rosé ». Il n’y a pas eu de garde à vue pour outrage à agent. Il n’y a pas eu non plus corruption de fonctionnaire. La barrette a du disparaître au fond d’un WC. Inimaginable de croire un seul instant l’équipage de police capable de se rouler un joint avec ! Jared a dû se racheter du schit. Il n’est pas fâché pour autant, se montrant philosophe : « après tout, les keufs font leur travail », commente-t-il. La confrontation a été bien plus dramatique à Nantes le 3 juillet suivant, provoquant trois jours d’émeutes urbaines. Lors d’un banal contrôle d’identité, Aboubakar est mort d’une balle de pistolet tirée à bout portant par un CRS. Il avait le même âge que Jared.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1238 ■ 01/11/2018

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

Retrouvez les sites

du Journal de l’animation : www.jdanimation.fr
et de mon collègue et ami Didier Dubasque : www.dubasque.org